Nous sommes début décembre. Dans la petite ville de Princeton, un demi-mètre de neige recouvre le sol de cette commune de la province canadienne de Colombie-Britannique. La température: moins 20 degrés, et le magasin le plus proche est à 30 kilomètres. C'est ici, loin de la civilisation, que le Suisse Thomas Gürster possède depuis 20 ans une maison dans le style d'un chalet suisse. «Mais avec l'âge, la vie y est pénible en hiver», explique Thomas Gürster à Blick. «C'est pourquoi j'ai prévu de passer à l'avenir les mois d'hiver en Suisse.»
En effet, le Suisse possède encore une maison à Münchwilen, en Thurgovie. Jusqu'à récemment, elle était louée, mais l'expatrié veut désormais y séjourner pendant la période la plus froide de l'année.
Tant qu'il n'est pas à la retraite, Thomas Gürster considère que son centre de vie est au Canada. L'ancien maître artisan des CFF y achète des maisons et les rénove pour les revendre ou les louer.
Une hypothèque résiliée avant la fin du contrat
Mais ses plans de passer les mois d'hiver plus doux en Suisse sont menacés. La raison: la Banque Raiffeisen, auprès de laquelle Thomas Gürster a contracté l'hypothèque pour sa maison suisse, a résilié son contrat hypothécaire. Cette relation commerciale doit être résiliée dès le 31 décembre 2022.
L'Argovien est ainsi pris à contre-pied. «Je suis chez Raiffeisen depuis plus de quinze ans et je n'ai jamais manqué un paiement», dit-il. En fait, son hypothèque fixe court encore jusqu'au 30 juin 2023. Selon Thomas Gürster, la maison de Münchwilen a une valeur marchande d'un million de francs et l'hypothèque sur celle-ci ne s'élève qu'à 340'000 francs.
La Raiffeisen expulse les Suisses de l'étranger
Que s'est-il passé ? Dans sa lettre de résiliation, que Blick a pu consulter, la banque justifie sa décision comme suit: «La gestion des relations commerciales avec des clients domiciliés en dehors de la Suisse devient de plus en plus complexe en raison de l'augmentation des prescriptions réglementaires. En raison des mesures qui en découlent, il devient de plus en plus difficile pour nous, en tant que banque active localement, d'assurer le suivi des clients à l'étranger.»
En bref, la Banque Raiffeisen ne veut avoir à gérer des affaires extraterritoriales. Thomas Gürster, lui, craint pour son domicile au pays. En effet, les refus pleuvent lorsqu'il s'adresse à d'autres banques suisses, si bien qu'il ne trouve pas d'autre établissement financier prêt à lui accorder une hypothèque. «Vais-je perdre ma maison en Suisse ?», se demande le quinquagénaire, désespéré.
De nombreux expatriés veulent revenir au pays
Thomas Gürster n'est sûrement pas le seul Suisse de l'étranger à être menacé par la résiliation d'une hypothèque en cours. Selon l'Office fédéral de la statistique (OFS), environ 11% de la population suisse vit à l'étranger. En 2021, ils étaient 788'000 expatriés. En termes de nombre d'habitants, ils formeraient le quatrième plus grand canton de Suisse.
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«Beaucoup de ces Suisses de l'étranger ont encore un appartement ou une maison en Suisse», déclare Ariane Rustichelli, directrice de Swiss Community: l'Organisation des Suisses de l'étranger. Les chiffres de l'OFS montrent aussi que de plus en plus de Suisses ne partent à l'étranger que pour une durée limitée avant de revenir dans leur pays. «Il est alors logique de conserver son propre logement», explique Ariane Rustichelli.
Plusieurs pays concernés
Interrogée par Blick, Raiffeisen ne précise pas combien de clients sont concernés, ni dans quels pays. Thomas Gürster apprend de sa conseillère clientèle qu'elle doit résilier plus de 90 relations bancaires dans la seule région de Frick-Mettauertal, dans le canton d'Argovie. Il ne s'agit probablement pas seulement d'hypothèques, mais aussi d'autres types de relations bancaires avec des expatriés.
Thomas Gürster s'est rendu en Suisse fin novembre. Il a du alors trouver de toute urgence une solution pour son hypothèque. Après avoir insisté à plusieurs reprises auprès de la banque, celle-ci cède: son hypothèque ne sera pas résiliée à la fin de l'année, mais durera encore jusqu'au terme convenu du contrat, le 30 juin 2023.
La prolongation du délai de grâce ne résout cependant pas le problème de Thomas Gürster. L'expatrié continue de chercher activement un prestataire qui lui accorderait une nouvelle hypothèque pour sa maison.