Lundi, des dizaines de milliers de syndicalistes défileront à nouveau dans les rues. De Genève à Coire, de Berne à Bellinzone, pour des manifestations qui sont aussi des démonstrations de forces.
Mais cette force s’amenuise. Alors qu’en 2005, les syndicats pouvaient encore se targuer d’avoir 770’000 membres, ils ne sont plus que 656’000 aujourd’hui. Ce phénomène n’est pas nouveau. Les syndicats suisses perdent des membres depuis des décennies.
Et ce pour de nombreuses raisons: «Le monde du travail est aujourd’hui plus éphémère. Il est davantage divisé en petites entreprises. Et il y a six fois plus d’emplois temporaires qu’auparavant», énumère le porte-parole de l’Union syndicale suisse (USS) Urban Hodel. «Cela rend évidemment la syndicalisation plus difficile.»
Plus de pouvoir malgré tout
Le pouvoir diminue-t-il aussi? À première vue non. Urban Hodel et d’autres membres d’Employés Suisse ou de l’Unia, soulignent qu’ils négocient aujourd’hui les salaires et les conditions de travail de deux millions de personnes, soit deux fois plus qu’il y a 20 ans. Contrairement à l’époque, les conventions collectives de travail (CCT) ne s’appliquent plus seulement aux membres des syndicats, mais la plupart du temps à tous les collaborateurs d’une branche.
Et les syndicats sont considérés comme un pouvoir de veto. Les réformes politiques qui touchent à la question sociale passent par eux. Le 25 septembre dernier a peut-être marqué un tournant. Ils ont perdu leur première bataille depuis des années. Une bataille importante: avec 50,5%, la Suisse a dit oui à l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans.
Le combat se durcit
«La défaite lors de la votation sur l’AVS a été douloureuse, oui», admet le patron des syndicats Pierre-Yves Maillard. Mais les bourgeois ont quand même dû réorganiser leur agenda en raison du résultat serré: l’augmentation prévue de l’âge de la retraite n’est plus d’actualité. Et de toute façon: «Ce n’est pas comme si les syndicats avaient gagné chaque votation. Le pouvoir de veto de l’USS, en particulier sur la question des retraites, est aujourd’hui plutôt plus important qu’auparavant.»
Et la prochaine bataille se profile. Probablement le 3 mars 2024, la Suisse votera sur le référendum contre la réforme des caisses de pension, l’initiative pour une 13e rente AVS et l’initiative du PS pour un plafonnement des primes d’assurance maladie. Cette dernière a certes été lancée par le comité, mais elle a été écrite par l’USS. Un jour de grand combat pour Pierre-Yves Maillard et les siens.
Combat reste le mot juste. Car les débats se durcissent. C’est l’avis de Valentin Vogt. Le président de l’Union patronale suisse est l’adversaire naturel de Pierre-Yves Maillard, parfois aussi un allié. De moins en moins cependant, comme l’explique Valentin Vogt: lorsque le socialiste a pris ses fonctions de patron de l’USS en 2019, la collaboration était très constructive. «Malheureusement, cela s’est de plus en plus dégradé ces dernières années. Maintenant, l’Union syndicale est redevenue aussi dogmatique qu’elle l’était sous la présidence à long terme de Paul Rechsteiner.» C’est regrettable, selon lui. La Suisse est confrontée à de nombreux défis – comme la pénurie de main-d’œuvre qualifiée et la réforme du deuxième pilier.
Un partenariat qui s’effrite
Des propos qui font bondir Pierre-Yves Maillard: «M. Vogt a du culot!» Alors qu’il a lui-même défendu le compromis sur la réforme des caisses de pension par tous les moyens et resserré ses propres rangs, «les employeurs ont en revanche torpillé le compromis de manière ciblée en coulisses, de sorte qu’il a été recalé au Parlement.» La magie du partenariat social disparaît alors.
Du point de vue du patron des syndicats, c’est son adversaire qui se radicalise – justement en exigeant que les Suisses augmentent leur temps de travail. Il est «scandaleux» que l’on se mêle de la vie des gens. Il espère que l’arbitre de la démocratie directe – la population – fera entendre son mécontentement lors des élections de cet automne et de la votation.
Davantage de membres féminins
Les syndicats profiteront de ces événements pour se mobiliser. Et ils investissent depuis des années dans des branches où les femmes sont majoritaires, comme le commerce de détail, les soins, le secteur du nettoyage, mais aussi les crèches, comme le dit le porte-parole de l’USS Urban Hodel. Et «les femmes ont besoin de syndicats forts.» Si elles s’organisent mieux, «les salaires progresseront aussi». On constate ainsi que le nombre de membres féminins augmente dans ces corps de métiers.