Coup de tonnerre à Yverdon!
L'entrepreneur accusé d'agression par l'ex-directrice d'Y-Parc est blanchi

Le 17 mars 2021, la directrice d’Y-Parc a été sauvagement agressée. Elle et son entourage accusaient un entrepreneur passé par ce pôle scientifique et technologique d'Yverdon-les-Bains. Le Ministère public vient de rendre une ordonnance de classement, a appris Blick.
Publié: 01.12.2022 à 16:10 heures
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Dernière mise à jour: 02.12.2022 à 08:53 heures
Qui a agressé l'ancienne directrice d'Y-Parc? Et pourquoi?
Photo: Creative Lab
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Malgré le froid mordant qui s’installe en cette fin d’année, la lumière de la justice semble enfin percer l’épais brouillard qui embaume la plaine de l’Orbe. Même si, la fin — provisoire? — de cette affaire qui a mis le feu dans le Nord vaudois suscite, à ce stade, plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.

Souvenez-vous. En mars 2021, celle qui est alors la directrice d’Y-Parc, le parc scientifique et technologique d’Yverdon-les-Bains, est violemment agressée. Tout son clan accuse immédiatement un entrepreneur actif dans la région, avec qui elle aurait entretenu une «relation toxique» par le passé. Mais ce narratif n’a cessé d’être mis à mal au fil du temps. Avant de complètement chanceler: l’homme incriminé vient d’être blanchi, a appris Blick.

Un homme au visage masqué

Dans une ordonnance de classement et de suspension datée du mardi 22 novembre, le procureur en charge du dossier rappelle d’abord les faits. Tout part du récit de l’ex-dirigeante, licenciée quelques mois après avoir été passée à tabac. Dans les grandes lignes, elle indiquait que, le jour des coups, elle était partie faire un jogging dans les champs non loin de son lieu de travail.

Alors qu’elle s’était arrêtée en chemin et qu’elle regardait son chien gambader, elle aurait aperçu un homme vêtu d’un jean et d’un pull à capuche, masquant son visage. Celui-ci aurait tenté de donner un coup de pied à son fidèle compagnon à quatre pattes avant de s’approcher d’elle, à quelque 50 centimètres. Puis, blackout.

La jeune femme se serait ensuite réveillée, par terre, dans une flaque d’eau, après avoir été frappée. En tentant de retourner à sa voiture, elle aurait été prise de vertiges et aurait vomi, chutant même à plusieurs reprises. Selon le Ministère public, c’est «son conjoint, Ruben Ramchurn», alors président de la section UDC de la cité thermale, qui l’aurait retrouvée grâce à une alerte émise via une montre connectée. Ce dernier fait partie des premiers dénonciateurs de cette sauvage attaque.

Le couple est décidément sous le feu des projecteurs. Le conseiller communal (législatif) conservateur, au goût marqué pour la provocation, est par ailleurs visé par une instruction pénale, comme le révélait ce mardi watson.ch. L’enquête porte sur de faux certificats Covid, des soupçons de fêtes illégales pendant la pandémie et de trafic de drogue. Ce que conteste fermement l’élu local, qui dénonce un «procès de Moscou» dans un billet de blog publié ce mercredi.

Un litige très personnel

Revenons à l’agression de sa partenaire. Le bilan médical est sérieux: elle a souffert «de plusieurs tuméfactions, ecchymoses et douleurs à la palpation, notamment au niveau du visage, du flanc droit et de la jambe et du bras gauche», liste le Ministère public. Les soupçons de la victime se sont immédiatement portés sur «son ex-copain», l’entrepreneur qui était brièvement passé par Y-Parc avant d’en être viré pour «non-paiement du loyer et travaux non autorisés», notamment.

Parallèlement, l’homme pointé du doigt, dont le nom et les actes présumés se murmuraient sur toutes les lèvres au sein du landerneau politique, se défendait en affirmant être en réalité la victime de celle qui l’accuse. Dans notre enquête publiée le 8 juin 2021, fruit de trois semaines de recherches, il étayait ses assertions avec des dizaines et des dizaines de documents: enregistrements vocaux, courriels, messages échangés sur l’application WhatsApp et… copie de son historique d’appels.

Ainsi, une nuit, l’Yverdonnoise — qui avait d’après l’entrepreneur en question «un comportement obsessionnel» — lui avait laissé pas moins de 45 appels en absence. Il affirmait, en outre, avoir toujours réglé ce qu’il devait à Y-Parc et que son expulsion était fondée sur des motifs «mensongers». La vraie raison selon lui? Il aurait payé au prix fort le fait d’avoir dénoncé le comportement de la dirigeante. Neuf témoignages qui se recoupent venaient souligner cette interprétation.

Rebondissements en série

En janvier de cette année, le conseil d’administration revenait complètement sur les justifications avancées pour le faire quitter ses locaux. «Nous n’avions pas d’autres informations que celles remontées par notre ancienne directrice et nous n’avons compris qu’après coup qu’elle nous transmettait parfois de mauvaises informations», nous confiait Pierre-Luc Maillefer, président ad intérim du conseil d’administration, avant que Pascal Broulis, ancien conseiller d’Etat et actuel prétendant au Conseil des Etats libéral-radical, ne le remplace. De son côté, leur ex-employée maintenait sa version des faits par la voix de son avocat, le conseiller national et candidat écologiste au Conseil des Etats Raphaël Mahaim.

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«On constate que [la directrice] n’a pas pu fournir de détails sur l’auteur des faits qu’elle dénonce»
Le Ministère public
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Aujourd’hui, dans l’un des derniers tiroirs encore ouverts de cette affaire, c’est le Ministère public qui met hors de cause l’entrepreneur, finalement entendu en tant que prévenu, plus d’une année après l’agression. «On constate que [la directrice] n’a pas pu fournir de détails sur l’auteur des faits qu’elle dénonce, écrit le procureur dans son ordonnance. Les soupçons que la plaignante a portés sur [l’entrepreneur] n’ont d’ailleurs pas pu être confirmés, celui-ci bénéficiant d’un alibi au moment des faits.»

L’auteur des faits demeure inconnu

Le magistrat enchaîne: «Les éléments du dossier ne permettent pas d’affirmer que le prévenu aurait participé d’une quelconque manière à l’agression. […] Aussi, plusieurs personnes ont été entendues en cours d’enquête, lesquelles n’ont pas amené d’éléments directement utiles à l’établissement des faits en eux-mêmes ou permettant de confondre le prévenu. On relève au surplus que, d’après les investigations de la police, les caméras filmant l’entrée [de l’entreprise de l’accusé] étaient inexploitables et que l’analyse des vêtements de la victime a certes révélé la présence d’un profil masculin, mais celui de son ami intime, Ruben Ramchurn. En outre, c’est le profil biologique de la partie plaignante [l’ex-directrice] qui a été mis en évidence à partir d’un prélèvement effectué sur une pierre provenant des lieux de l’agression.»

Conclusion? «Il ressort de la procédure que l’auteur des faits demeure inconnu et qu’aucun indice permettant de l’identifier n’a été découvert à ce stade.» Par conséquent, la procédure contre l’entrepreneur doit être classée. Celle concernant l’agression suspendue. L’instruction pourrait reprendre en cas de faits nouveaux.

Recours en vue?

L’avocat Raphaël Mahaim fera-t-il opposition à cette décision de justice dans les dix jours impartis? «On est en train d’y réfléchir», glisse-t-il au bout du fil, ce jeudi matin. «Ce qui est d’ores et déjà certain, c’est que l’enquête a été menée de façon très insatisfaisante. Il ne s’est rien passé pendant six à huit mois et c’est encore plus tard que [la personne suspectée par sa cliente] a été entendue comme prévenue. Nous avons, par ailleurs, déposé de nombreuses requêtes, notamment pour auditionner des témoins, mais il apparaît que nous nous trouvons face à un procureur déterminé à ne pas en faire davantage.»

Quant au défenseur de l’entrepreneur, Sébastien Pedroli, par ailleurs député socialiste au Grand Conseil vaudois, il se réjouit de l’ordonnance rendue par le Ministère public. «Je suis convaincu depuis le début de l’innocence de mon client et cette décision vient le démontrer, lance l’homme de loi. Maintenant, nous souhaitons attendre que l’ordonnance entre en force pour la commenter davantage.»

Après de nombreux mois, les mystères planant sur ce fait divers semblent se dissiper peu à peu. Mais plusieurs questions importantes restent en suspens. Dont les deux principales, que nous posions déjà il y a un an et demi: si ce n’était pas le jeune homme d’affaires, qui a donc bien pu laisser la directrice d’Y-Parc meurtrie, le 17 mars 2021, à proximité du parc qu’elle dirigeait? Et pourquoi? A la justice de terminer son œuvre.

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