Ce 27 février, l’insouciance vogue rue du Lac à Yverdon-les-Bains. Dans la nuit, une petite dizaine de personnes chaloupent au son du chant italien révolutionnaire antifasciste «Bella Ciao», craché par deux haut-parleurs. Sous le pavillon de la liberté, derrière le DJ et ses platines, un logo bien connu, avec un soleil et un drapeau suisse. Celui de l’UDC.
La section locale du parti conservateur fait campagne ce samedi-là en vue des élections communales de mars. Parmi les fêtardes et fêtards, masque sous le nez et bouteille de Corona à la main, danse Ruben Ramchurn, capitaine de l’antenne yverdonnoise. Sur Facebook, les agrariens se vantent: «L’UDC Yverdon se bat pour le monde de la nuit, pour la fête, pour les restaurateurs, la convivialité et le bonheur… Voter UDC, c’est voter la liberté».
Problème, à ce moment-là, des mesures anti-Covid très strictes sont encore en vigueur, notamment pour les manifestations politiques. Les restaurants et les bars sont fermés et les réunions privées sont limitées à cinq participants. Après le passage de deux agents de la police du Nord vaudois, les faits avaient été dénoncés à la Préfecture, relataient à l’époque les médias locaux, «La Région» et «24 heures».
Averti la veille par téléphone?
Autre souci: selon le préfet, le conseiller communal (législatif) aurait dû être chez lui ce jour-là, a appris Blick. Il avait été placé en quarantaine la veille par téléphone après un contact avec une personne positive au Covid-19, révèle l’ordonnance pénale datée du 24 juin. Qu’importe: Ruben Ramchurn est sorti quand même et a rencontré un grand nombre de personnes, estime encore le magistrat. Il a en outre été dénoncé à plusieurs reprises durant la même journée pour non-respect du port du masque. Résultat, fin juin, Ruben Ramchurn a été condamné à 3000 francs d’amende pour «infraction simple à la loi fédérale sur les épidémies», selon le texte en notre possession.
Dans le détail, il lui est donc reproché de n’avoir pas respecté la mesure de quarantaine ordonnée par le médecin cantonal, mais aussi d’avoir organisé une manifestation non-autorisée, de n’avoir pas porté de masque ou incorrectement à plusieurs reprises et d’avoir diffusé de la musique sur le domaine public sans autorisation en perturbant le repos des riverains.
Ruben Ramchurn a fait recours et bénéficie donc de la présomption d’innocence. Il est défendu par Jean-Luc Addor, fervent opposant au certificat Covid, «cette obligation vaccinale qui ne dit pas son nom». Le conseiller national UDC valaisan avait également défendu l’ex-conseiller national et ex-conseiller d’Etat UDC neuchâtelois Yvan Perrin, accusé de discrimination raciale mais acquitté pour la deuxième fois en septembre.
Une cabale politique, selon Ruben Ramchurn
Joint par Blick ce mardi, le politicien de la cité thermale conteste sur toute la ligne la version des faits retenue. Pour lui, c’est une cabale politique. «Tout ceci est très étrange. J’ai été dénoncé deux fois à la police par des adversaires politiques pour avoir eu le nez qui sortait du masque. Et des rumeurs de quarantaine à mon sujet auraient circulé avant que j’en sois notifié le dimanche soir. Comment auraient-ils pu être au courant avant moi? Je me suis demandé si ce n’était pas un coup politique pour me sortir de la campagne.»
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Ne se souvient-il pas avoir reçu un appel des services du médecin cantonal le jour avant cette manifestation, comme l’affirme le préfet? «Non, je ne m’en souviens pas. Si j’avais su, je n’aurais pas tenu un stand si médiatique! Je ne sais même pas si j’ai vraiment été en contact avec une personne testée positive. C’est de l’acharnement digne d’un procès de Moscou!» Il affirme par ailleurs qu'il avait déjà contracté le Covid et qu'il n'était donc pas un danger pour autrui.
«Je dérangeais»
Pourquoi cet «acharnement»? «Parce que je dérangeais jusque dans les hautes sphères du Canton. J’ai été très bruyant pendant cette pandémie, j’ai joué avec les limites. J’ai pris des risques qui ont fait de moi un symbole. J’ai par exemple rouvert des restaurants en janvier pour y tenir des permanences politiques en toute légalité. La police et la Préfecture se sont montrées particulièrement pointilleuses et il y a eu une volonté de charger mon dossier.» Par exemple, avec le non-respect du port du masque. «C’est vrai, je l’avais parfois en dessous du nez ou autour du cou. Mais combien de personnes l’ont porté de manière incorrecte sans être poursuivies? Et dans l’ordonnance Covid-19, il n’est précisé nulle part comment il doit être porté.»
Il conteste en outre les termes de «manifestation interdite» inscrits dans l’ordonnance pénale. «J’avais les autorisations nécessaires. Pour la diffusion de la musique, je l’avais obtenue oralement. C’est vrai, cette fois, nous avons un peu poussé le volume. Mais, au niveau des décibels, nous sommes restés raisonnables. Un ingénieur du son était présent et vérifiait que nous ne dépassions pas les bornes. Nous avons tout arrêté à 21h, comme prévu. A cette heure-là, je ne vois pas comment nous aurions pu troubler le repos d’autrui.»
Manigances politiciennes contre Ruben Ramchurn, justice zélée ou la provocation de trop d’un tribun local en guerre contre les mesures anti-Covid et en quête de visibilité? C’est ce que devra définir le Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois le 8 novembre.