Soudain, l'agitation s'empare de la Brasserie Federal à la gare centrale de Zurich. Jon Pult revient de la séance photo dans le hall de la gare, il cherche son sac à dos, s'énerve un instant: «Toute ma vie est dedans!», grogne-t-il. Mais, finalement, fausse alerte! Il est presque midi, la salle est donc pleine. L'équipe de la SRF qui l'accompagne a dû changer de table et a déposé les bagages de Jon Pult ailleurs. Plus de peur que de mal.
On pourrait même dire que depuis samedi dernier, la chance lui sourit. Le PS l'a hissé, avec le Bâlois Beat Jans, sur le ticket pour le Conseil fédéral. Les deux hommes sont donc officiellement candidats du PS à la succession du conseiller fédéral sortant Alain Berset. Interview.
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Jon Pult, ce n'est pas tous les jours que l'on est désigné comme candidat au Conseil fédéral. Qu'avez-vous ressenti samedi dernier?
C'était le frisson à l'état pur. Je suis très heureux d'avoir été nommé et je suis reconnaissant de pouvoir me présenter en tant que candidat officiel du PS au Conseil fédéral.
Les choses sérieuses commencent. L'élection a lieu dans une semaine et demie. Vous ressentez de l'excitation?
J'ai les nerfs solides et je résiste au stress. Et être conseiller fédéral est un travail qui implique beaucoup de pression et de stress. C'est pourquoi je ne vais pas m'en plaindre. Bien sûr, j'ai aussi besoin de temps en temps d'une petite pause – afin de m'aérer un peu la tête, faire un peu de sport, évacuer le stress, me détendre. En tout cas, jusqu'à présent, j'ai toujours bien dormi.
Vous allez devoir convaincre les autres groupes politiques. Comment comptez-vous vous y prendre?
Nous devons créer une nouvelle cohésion. Ce sera l'une des tâches les plus importantes de la politique en général et du Conseil fédéral en particulier dans les années à venir. C'est le message que je veux faire passer. De plus, je ne vais pas me plier en quatre lors des auditions. Je ne chercherai pas à plaire par des changements de position soudains. Et je vais garder les pieds sur terre.
Mais à Berne, on entend ces reproches: depuis que vous êtes pressenti comme candidat, vous vous plieriez en quatre.
Je suis conscient qu'en tant que conseiller fédéral, j'aurais un tout autre rôle qu'actuellement. J'essaie de le montrer pour que l'on me fasse confiance dans ce changement de rôle. Mais sur le fond, je ne me suis jamais adapté. Bref, je suis simplement ce que je suis et j'espère que cela convaincra.
Vous seriez le plus jeune conseiller fédéral. Vous sentez-vous capable d'assumer cette fonction?
J'ai le bon âge, je suis plein d'énergie et j'ai l'envie et la volonté de créer. Je me sens capable de diriger un département. Et de jouer un rôle positif dans la politique suisse en tant que joueur d'une équipe qui comporte six autres membres au Conseil fédéral.
En tant que représentant d'une jeune génération, qu'apporteriez-vous au Conseil fédéral?
J'ai un autre regard sur le monde, sur la Suisse, sur nos défis. Deux thèmes me tiennent particulièrement à cœur: la crise climatique et les grands changements techniques et sociétaux.
Si vous étiez élu, vous devriez éventuellement reprendre le département de l'Intérieur, c'est-à-dire le DFI. On se souvient du fiasco des fax pendant la pandémie de Covid. Vous êtes-vous déjà servi d'un fax?
Jamais. J'espère que je n'aurais pas à le faire non plus au DFI. Le thème de la numérisation est une priorité que nous devons faire avancer. Ici, en tant que Millenial, je peux établir un rapport plus direct et aussi apporter les perspectives correspondantes.
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Qui est vraiment Jon Pult?
Mais qui est donc ce Jon Pult, né en 1984 à Scuol (GR), double national suisse et italien, trilingue, ayant grandi à Guarda, Milan, Domat/Ems et Coire, marié à la journaliste Sara Ibrahim, sans enfant, conseiller en stratégie et communication de profession, en politique depuis 20 ans? L'homme qui s'apprête maintenant à devenir le nouveau conseiller fédéral du PS? Le connaissons-nous?
La réponse est à la fois facile et difficile. Elle est facile, parce que des personnages publics comme le politicien Jon Pult se rencontrent régulièrement au fil des ans. Le Grison a été très tôt propulsé sur le devant de la scène nationale alors qu'il n'était encore qu'un politicien local: un rhétoricien doué, l'un des plus grands talents politiques des Sociaux-Démocrates, un futur conseiller fédéral.
Une carrière politique exemplaire
Jon Pult mène une carrière politique exemplaire: il entre en politique en 2004, lorsqu'il est élu au parlement de la ville de Coire à l'âge de 19 ans. A 24 ans, il prend la présidence du PS des Grisons, à 26 ans, il fait de la politique au Grand Conseil grison, à 29 ans, il devient président de l'Initiative des Alpes.
Six ans plus tard, il entre – pour la troisième fois – au Parlement fédéral en tant que conseiller national. A 36 ans, le PS suisse fait de lui son vice-président. Entre-temps, il préside la commission des transports et des télécommunications à la Chambre des cantons. Et maintenant, à 39 ans, Jon Pult pourrait devenir conseiller fédéral.
Le pragmatisme. Le sens de la raison. Le sens du leadership. La fiabilité. Talent. Ce sont des mots clés que l'on entend lorsque l'on parle de Jon Pult avec d'autres parlementaires. Des qualités qui lui ont également permis de remporter son plus grand succès dans son canton d'origine en 2017. A l'époque, sous la direction de Jon Pult, le PS et les Vert-e-s avaient fait échouer dans les urnes les projets cantonaux de Jeux olympiques d'hiver, malgré l'engagement des autres partis et des associations économiques.
Un bâtisseur de ponts, amateur de tables rondes
Mais qui est Jon Pult? La réponse est aussi difficile. Parce qu'on ne voit pas tout, même quand quelqu'un est en public. Et parce que le politicien Jon Pult a érigé un mur épais autour de sa personne privée. Ce qu'il révèle est soigneusement préparé: il aime voyager, manger, lire, faire du jogging en forêt, fumer une cigarette de temps en temps, s'asseoir dans un bistrot et écouter.
Jon Pult a la réputation d'être un habitué des tables. Bien qu'il n'ait pas de table d'habitués à proprement parler, il lui arrive régulièrement de se rendre au bistrot. A Berne, Coire ou à Milan. A chaque table, il peut parler avec les gens. «Parler ensemble signifie écouter, comprendre – et être soi-même compréhensible. C'est ainsi que l'on construit des ponts entre nous», affirme -t-il.
Pour le souligner, Jon Pult salue un politicien tessinois qui vient de se promener dans la Brasserie Federal, passe immédiatement à l'italien, «Ciao, come stai», une tape sur l'épaule, un bref bavardage. C'est ainsi que l'on construit des ponts.