«Ok donc aujourd’hui, là, maintenant, je peux développer des cellules cancéreuses», c'est ce à quoi pense Laurianne tous les jours. En voilà une philosophie brutale pour une jeune femme qui vient tout juste de souffler ses 31 bougies.
Dans ce neuvième épisode du podcast «Face au miroir», animé par Johan Djourou et coproduit par Blick, la jeune trentenaire explique comment elle a été diagnostiquée du PALB2: une mutation génétique qui augmente les risques de développer un cancer du sein au cours de sa vie. Si ses médecins l’ont encouragée à avoir recours à une mastectomie préventive, tout ne s'est pas vraiment passé comme prévu. La raison: l’intervention n’est pas toujours remboursée par l’assurance de base.
Mutation transmise par sa mère
Notre histoire commence avec la mère de Laurianne. Après avoir vaincu deux cancers du sein, l’un à 49 ans, l’autre à 51 ans, la mère de famille décide de passer quelques tests. Le diagnostic tombe: elle est atteinte du PALB2, gène cousin des BRCA1 et BRCA2. La mutation génétique lui aurait été transmise par sa mère, qui l’aurait elle-même héritée de sa mère, et ainsi de suite.
Au début de l’année 2020, Laurianne veut en avoir le cœur net. A son tour, elle décide d’aller chez son médecin pour faire les tests. «Avant d’avoir les résultats, j’étais sûre que je l’avais», confie-t-elle. Les pressentis de Laurianne étaient justes. Elle est aussi atteinte du PALB2. «Sur quatre frères et sœurs, nous sommes trois à avoir la mutation».
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Jusqu’à 75% de risques
Comme son nom l’indique, cette prédisposition est génétique, donc héréditaire. La personne atteinte n’a ainsi strictement aucune prise sur son état de santé. Quant aux risques d’avoir un cancer du sein, ils varient selon divers facteurs, comme l’âge par exemple. Les professionnels signalent que les patientes atteintes de la mutation du PALB2 ont entre 35% et 75% de risques de développer un cancer du sein au cours de leur vie. A titre de comparaison, ce chiffre s’élève à 12% pour le reste de la gent féminine.
Sous conseils de ses médecins, Laurianne songe donc à faire une mastectomie préventive. L’opération consiste à une ablation des glandes mammaires suivie d’une reconstruction. Oui, sauf que l’intervention s’élève à plusieurs dizaines de milliers de francs. Et si la question du remboursement ne s’apparentait qu’à une formalité jusqu’ici, elle est devenue un réel problème.
En effet, contrairement aux BRCA1 et BRCA2, la mutation du PALB2 ne figure pas dans la liste des prestations prises en charge. Conséquence, l’opération préventive est rarement remboursée. Chaque situation est analysée au cas par cas et tout dépend de l’assureur. «Mais si je venais à développer un cancer, mon assurance me payerait les frais, qui sont plus chers que la mastectomie préventive. Ça n’a pas de sens», lance la jeune femme, dépitée.
Que dit la loi?
Comment cela se fait-il que les interventions liées aux deux premières mutations soient prises en charge et pas les autres? Découvertes il y a plus longtemps et induisant des risques plus élevés, les opérations liées aux BRCA1 et BRCA2 ont été listées dans l’Ordonnance sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie.
Il serait tout-à-fait possible d'ajouter les opérations liées au PALB2 dans cette ordonnance réglementée par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). Toutefois, les démarches administratives ne sont pas des plus simples. Il faudrait tout d'abord qu’une ou plusieurs personnes déposent une demande à la Commission fédérale des prestations générales et des principes (CFPP). Cette dernière devrait ensuite se baser sur des analyses concernant l’efficacité des interventions et leurs coûts. La CFPP devrait ensuite proposer une recommandation au Département fédéral de l’intérieur (DFI) qui déciderait de leur remboursement.
Malheureusement, le manque de connaissances et de données statistiques sur cette mutation rare freine les avancées au niveau légal. «En plus du fait que peu de gens se font tester, il faudrait que la mutation touche un plus grand groupe de personnes et que cela devienne intéressant pour les assurances», précise Laurianne.
Pour le moment, aucune demande n’a été déposée pour que les interventions liées au PALB2 soient remboursées. Quant à Laurianne, elle a renoncé à la mastectomie préventive. En attendant que les choses évoluent en sa faveur, la jeune femme se montre plutôt résignée: «Aujourd’hui, je vis toujours avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête».