A 8 ans, on joue au loup, on met ses dents de lait sous l’oreiller en attendant la petite souris et on s’amuse à fabriquer des avions de papier. Bref, à 8 ans, on est encore naïf, fragile, innocent. Enfin, ça, c’est si on vit une enfance tranquille et sans problème. Mais tous les bambins n’ont pas cette chance. Il existe des enfants qui, à 8 ans, vivent des expériences traumatisantes. Qui marquent à vie.
Dans ce septième épisode du podcast «Face au miroir», animé par Johan Djourou et coproduit par Blick, Dora, qui a aujourd’hui 25 ans, nous raconte comment elle a été piégée durant un après-midi alors qu’elle s’amusait dans son quartier. Enfermée de force, elle a subi des violences sexuelles durant des heures avant de réussir à fuir.
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Paralysée par la peur
C’était une journée comme les autres. Dora jouait dehors avec sa sœur, lorsque deux copines débarquent avec un inconnu âgé entre 18 et 25 ans. L’homme propose une partie de cache-cache et les petites filles se prêtent au jeu. Et puis, sans crier gare, il attrape Dora par le bras pendant que les autres enfants partent se cacher. L’homme l’emmène dans une cave à vélos et l’inimaginable se produit: «Il a commencé à toucher mes parties intimes et je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Après avoir crié et demandé qu’il me lâche, j’ai arrêté de me débattre, j’ai abandonné. Je m’étais transformée en objet».
Dans le silence de cette cave lugubre, Dora résignée, n’entend plus que les gémissements de son agresseur. Elle est tétanisée et entre dans une phase appelée «état de sidération» en psychiatrie. Il s’agit d’un mécanisme de défense qui apparaît lors d’un événement traumatique. Le corps se met en pause et la victime devient alors spectatrice de son agression. L’état de sidération est un phénomène observable sur une IRM. Cela a notamment été analysé lors d’expériences menées sur des vétérans du Vietnam lorsqu’ils visionnaient des images de guerre.
Le déni qui l’empêche de parler
Dora finit pas réussir à s’extirper des bras de son agresseur et fuit. Ses parents inquiets, tentent de comprendre pourquoi elle est rentrée aussi tard et veulent savoir où elle se trouvait. Le choc, la honte, la peur amènent Dora à mentir. «J’ai dit que j’étais chez une copine et qu’on avait joué tout ce temps», explique la jeune femme. Comme le note la protection de l’enfance Suisse, les enfants victimes de violences sexuelles ont généralement du mal à en parler. Ils se sentent souvent responsables de ce qui leur est arrivé. Des études montrent que très peu d’enfants se rendent à la police pour déclarer qu’ils ont été victimes d’une agression sexuelle.
Alertée par une maman du quartier, la police parvient par mettre la main sur le pédophile qui finit derrière les barreaux. De son côté, Dora peine à avouer ce qui s’est passé durant cet après-midi de l’horreur.
Sauvée par son métier
Pendant des années, Dora refuse de parler de son agression. Le temps passe et sa formation d’éducatrice sociale en psychiatrie résonne en elle. Peu à peu, elle s’ouvre et réussit à se libérer de ses démons. Elle suit une thérapie et parvient enfin à tout raconter.
Alors oui, le silence qu’elle s’est imposé durant toutes ses années a laissé des séquelles. «C’est clair que j’avais besoin d’aide, même si je refusais de me livrer», confie Dora avant d’ajouter qu’à son époque, il n’existait que trop peu de prévention. Aujourd’hui, elle encourage les victimes à parler. Surtout que les agressions sexuelles sur mineurs sont bien plus courantes qu’on ne le pense. Selon les chiffres rapportés par la protection de l’enfance, un enfant sur sept est exposé au moins une fois à la violence sexuelle avec contact physique d’un adulte ou d’un enfant plus âgé. Ce sont quelque 1257 cas d’abus sexuels à l’égard d’enfants qui ont été enregistrés en 2020. Et encore, il s’agit de cas rapportés. Le chiffre pourrait être potentiellement plus élevé si l’on parvenait à inclure tous ces enfants qui, comme Dora, se sont tus.
Dora commence tout juste à guérir et s’autorise même à partir à la recherche de son agresseur. «Je voudrais le voir, comprendre pourquoi. Pourquoi moi, pourquoi à ce moment-là. Mais surtout, je lui pardonne», conclut-elle.