Faites le test. Demandez à vos amis français s’ils croient, ou non, qu’un nouveau gouvernement peut faire la différence et sortir de pays de son tunnel de difficultés, après les violences urbaines de la fin juin, et à un an pile des Jeux olympiques d’été qui ouvriront le 26 juillet 2024 à Paris?
J’attends vos réponses. De mon côté, les avis sont unanimes. Changer huit ministres en plein été, sans nouveau cahier des charges, sans nouveau cap et avec à leur tête la même cheffe de gouvernement toujours privée de majorité à l’Assemblée nationale revient tout simplement à modifier un peu le décor politique. Au mieux un coup de peinture politique. Au pire, un paravent destiné à cacher l’absence de réponses aux défis posés par une société de plus en plus inquiète de son avenir.
En décidant de conserver Élisabeth Borne au poste de premier ministre et de conserver tous ses poids lourds aux principaux portefeuilles, sauf le ministre de l’Éducation nationale Pap Ndiaye, Emmanuel Macron a en fait pris acte de cette réalité. Le président français a choisi d’abandonner le terrain des idées, de la réforme et de la transformation du pays. Les récentes émeutes l'ont bousculé, il espère les faire oublier par l’ouverture rapide de chantiers de reconstruction grâce à la «loi d’urgence» qui vient d’être votée au parlement.
La mission prioritaire de cette nouvelle équipe sera de faire fonctionner la machine étatique, en limitant au maximum la casse, carnet de chèques à la clé. Avec l’espoir que l’approche des JO et l’explosion souverainiste prévisible d'ici aux prochaines élections européennes du 9 juin 2024, lui permettront de débaucher plus facilement les députés qui manquent à l’appel pour faire voter les lois, en particulier du côté de la droite.
Du sprint au slalom
En 2016, Emmanuel Macron était entré dans la course présidentielle comme un sprinter. Après sa réélection d’avril 2022, il a de nouveau pensé être le plus rapide et coiffer tout le monde sur le poteau, malgré l’évidente désaffection d’une grande partie de l’électorat. Raté. Le voici aujourd’hui contraint de slalomer au ralenti entre les écueils, en misant sur sa garde rapprochée, à l’image du nouveau ministre de l’Education Gabriel Attal et de l’ex-députée Aurore Bergé, désormais ministre des Solidarités.
Après avoir éliminé le caillou dans la chaussure gouvernementale nommé Marlène Schiappa, discréditée par sa gestion d'un fond d'aide à la lutte contre l'islamisme radical. Et avec, comme ceinture de sécurité politique, les ministres des Finances Bruno Le Maire et de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Qu’importe les symboles
Qu’importe aujourd’hui les symboles, comme le montre l’éviction de Pap Ndiaye, figure de proue de la diversité, ou celle d’autres ministres issus de la société civile. Seul reste, maintenu par son habileté personnelle au poste de ministre de la Justice, l’ex-avocat star Eric Dupond-Moretti.
L’heure n’est plus à l’affichage et aux promesses. Il s’agit de gagner du temps et (d’essayer de) ramener le calme. Sans lustre. Sans cap. Sans autre ambition que de durer. En espérant que la roue de la chance qui a tant servi ce chef de l’État quadragénaire se remette à lui sourire. Ce qu’on ne peut pas exclure.