Le point commun entre Albert Camus et le collectif valaisan de la grève féministe? Selon les propos qu'on leur attribue parfois à tort, tous deux défendent que «mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde».
Le drame de Vétroz (VS), où trois corps ensanglantés ont été retrouvés ce dimanche 28 juillet à l’aube, est un nouveau cas où le poids des mots est débattu. Pour appréhender au mieux le réel, faut-il qualifier la terrible fusillade qui a endeuillé le village de féminicide? Pour certaines et certains (surtout certains), cette interrogation revient à discuter du sexe des anges.
Et pourtant. D’après notre enquête scrupuleuse, les composants de ce crime genré défini par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sont ici réunis puisqu’un homme, qui ne digérait pas son divorce, aurait abattu son ex-femme ainsi que son nouveau compagnon. Avant de retourner quelques instants plus tard son arme contre lui.
À Blick, nous avons donc décidé d’utiliser ce terme dans nos articles sur l’affaire qui traumatise la localité de 6675 âmes, huit mois après les coups de feu qui ont fait deux morts à Sion, à une petite dizaine de kilomètres de là. Ce choix n’est pas militant: il exprime précisément et simplement ce qui est, comme le demande le métier de journaliste.
Nier le réel est dangereux
La procureure générale valaisanne, Beatrice Pilloud, n’est visiblement pas guidée par la même boussole. En conférence de presse quelques heures après la tuerie, la magistrate a fait savoir qu’on ne l’entendrait pas prononcer «féminicide», puisqu’il ne s’agit pas d’une appellation légale.
Sauf erreur, le principe d’Archimède et la couleur beige — par exemple — ne figurent pas non plus dans le Code pénal. Difficile pour autant de remettre en question leur existence. Quand tout le monde l’aura admis, nous pourrons nous réjouir d’une avancée significative. Car peu importe qui a exprimé cette idée en premier: mal nommer les choses ajoute définitivement au malheur du monde.