Si ces périls deviennent réalité en 2024, le continent européen affrontera l’une des plus graves crises de son histoire récente. Une crise politique, militaire, économique et stratégique, face aux ambitions de la Russie ou de la Chine, et aux colères de nombreux pays du sud, en particulier en Afrique.
2024 n’est pas, comme cela est écrit trop souvent, l’année de tous les dangers. Mais les douze prochains mois seront décisifs, alors que s’achève bientôt le premier quart de ce siècle tourmenté, sous une menace globale de plus en plus redoutable: celle du réchauffement climatique. Voici les cinq pièges que les Européens, Suisses inclus, devront éviter en priorité.
Péril N° 1: L’Europe fracturée
Les nationalistes sont persuadés que le repli à l’intérieur des frontières est la solution à tous les problèmes. Politiquement, ça marche. Concrètement, cet argument ne tient pas. Plus le continent européen se divise et se fracture, plus il est fragile. C’est le cas sur le plan économique, puisque le grand marché formé par les pays de l’Union européenne et leurs partenaires (dont la Suisse) demeure le premier espace de commerce mondial, indispensable à la prospérité du continent.
C’est aussi le cas en matière de défense, puisque la guerre en Ukraine a renforcé l’importance de l’OTAN, l’Alliance atlantique de 31 pays, derrière les États-Unis. Bonne nouvelle: le 20 décembre, les 27 pays de l’Union européenne sont enfin parvenus à un accord sur le pacte «Asile et migrations», qui concerne aussi la Suisse. Mais imaginez que Donald Trump soit réélu président des États-Unis le 5 novembre 2024 et menace de se retirer de l’OTAN. L’onde choc de ce côté-ci de l’Atlantique sera redoutable…
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Péril N° 2: L’Europe bloquée
La Suisse, qui n’est ni membre de l’Union européenne, ni de l’OTAN, aime croire que son attractivité économique et financière, sa stabilité institutionnelle et sa neutralité, sont des garanties éternelles. La réalité est que l’exception helvétique a besoin d’être acceptée et garantie par son incontournable voisin et partenaire qu’est l’Union européenne.
La preuve? La décision du Conseil fédéral de reprendre, le 15 décembre, les négociations en vue de futurs accords bilatéraux avec Bruxelles. Or l’UE peut se bloquer en 2024. Les vétos à répétition de Viktor Orbán peuvent gripper la machine communautaire. Les élections européennes du 6 au 9 juin peuvent déboucher sur un parlement de Strasbourg sans majorité. Prendre des décisions à 27 deviendra alors une mission impossible.
Péril N° 3: L’Europe assommée
Les bombardements massifs de la Russie sur l’Ukraine, vendredi 29 décembre, prouvent que Vladimir Poutine tient parole: le président russe, qui sera évidemment réélu en mars 2024, veut toujours briser le gouvernement ukrainien, et assommer les Européens, qu’il ne croit pas capables de soutenir encore longtemps Volodymyr Zelensky. Ce dernier l’a compris. Il multiplie les appels à l’aide et a proposé de reporter l’élection présidentielle ukrainienne, qui devait se tenir le 31 mars 2024.
Comment Poutine peut-il assommer l’Europe sans entrer en guerre avec l’OTAN? En semant la peur, en multipliant les opérations de propagande et en promettant une guerre sans fin. L’autre atout de la Russie: son économie de guerre, qui produit toujours plus d’armement malgré les sanctions.
Péril N° 4: L’Europe démonétisée
Une économie reste prospère tant que les investisseurs lui font confiance. Si ces derniers s’inquiètent et retirent leurs billes, alors tout se complique. Or les marchés financiers regardent l’Europe avec inquiétude en cette fin 2023.
La fragilité de l’euro face au dollar et sa baisse face au franc suisse, rendent la monnaie européenne moins attractive. La hausse des taux d’intérêt européens a entraîné un peu partout une stagnation, sinon une baisse du marché immobilier.
Certes, les marchés boursiers se portent bien (+17% pour l’indice boursier français CAC 40, +20% pour le DAX allemand contre +3% pour le SMI Suisse), mais l’augmentation de l’endettement public des grands pays européens (113% du PIB pour la France, plus de 140% du PIB pour l’Italie, contre 66% pour l’Allemagne) a de quoi inquiéter.
Péril N° 5: L’Europe assiégée
2024 ne sera sans doute pas l’année d’une attaque militaire d’envergure contre le continent européen. Tant mieux. Mais pour les habitants de nombreux pays d’Europe, les vagues de migrants constituent bel et bien une intimidation. Or comment gérer l’afflux de populations venues d’Afrique et du Moyen-Orient?
En Scandinavie, où la criminalité explose, les gangs formés au sein des communautés immigrées sont ciblés par les autorités. Au Royaume-Uni, les renvois vers le Rwanda sont programmés. L’Italie veut ouvrir des centres de rétention en Albanie.
On pense aussi, dans les grands ports comme Rotterdam, Anvers ou Le Havre, à l’arrivée massive de containers chargés de cocaïne, d’héroïne ou d’amphétamines, dont le trafic est contrôlé par de quasi-cartels et par le «mocro-mafia» (la mafia marocaine). Près de 50 personnes ont été tuées par balles à Marseille en 2023. Les affaires de corruption liées à la drogue sont de plus en plus nombreuses. Et face à cette menace continentale, la coordination policière est encore loin d’être suffisante.