Et c’est ainsi que l’UDC a gagné la partie européenne. Vous n’êtes pas convaincu? C’est en tout cas l’avis de Gilbert Casasus, professeur émérite à l’université de Fribourg et spécialiste de la relation Suisse-Union européenne.
Après l’annonce, ce mercredi 20 décembre, du lancement par la Commission de Bruxelles de son propre mandat de négociation avec la Suisse, l’heure est venue de s’interroger sur l’avenir immédiat du futur chantier bilatéral. Le Conseil fédéral a présenté son mandat la semaine dernière, trois ans après le rejet unilatéral par Berne, le 26 mai 2021, du projet d’accord institutionnel avec Bruxelles. Les syndicats préparent leurs ultimes exigences. Les diplomates vont bientôt plancher. Des accords seront négociés. Alors? «Même si le constat est amer, c’est l’UDC qui a gagné», tranche Gilbert Casasus. Ce parti a obtenu ce qu’il n’ose pas dire en public, à savoir que la voie bilatérale est celle qu’il compte maintenir à tout prix, pour éviter toute autre forme de progrès et de participation helvétique à l’édifice européen». Raisonnement limpide: l’association future entre la Suisse et l’UE sera la moins institutionnelle possible. Pas question de s’arrimer pour de bon aux 27.
Ce débat, Blick va y participer ce mercredi soir lors d’une édition spéciale d’Infrarouge, le débat de la RTS présenté par Alexis Favre. Le thème? «Suisse-Europe, tu veux ou tu veux pas.» Kevin Grangier, de l’UDC Vaud sera présent, aux côtés de Liliana Vaccaro, représentante des universités suisses et Jacques Gerber, président du gouvernement jurassien. Qu’en pense Gilbert Casasus? «Les Bilatérales III qui se préparent sont la recette européenne d’une Suisse sous influence ultra-conservatrice et nationaliste. Mais presque personne n'a le courage de parler ainsi en Suisse. Ni le Conseil fédéral, ce qui à la rigueur peut se comprendre, ni les partis et associations politiques, même les plus europhiles, ce qui incompréhensible, voire inacceptable.»
Fumée blanche
Et pourtant, la fumée blanche européenne est bien dans le ciel helvétique. «La volonté mutuelle est au rendez-vous» nuance Gilbert Casasus. Il s’agit pour les uns, en Suisse, de trouver un accord du type «chaussure à son pied». Les Européens, eux, plaident pour un accord du type «enfin, on en sera débarrassé, car nous avons d’autres chats à fouetter». En somme, l’heure de boucler le dossier est venue, autant par fatigue que par envie. «Une conclusion à l’horizon de 2024 est plausible» complète l’universitaire, qui prépare un livre sur le sujet. «La mise en œuvre des nouveaux accords devra pourtant attendre leur adoption par référendum en Suisse. Cela peut durer jusqu’en 2026, voire plus.»
Ultime crise écartée?
Pas de craintes, donc, d’une ultime crise entre Berne et Bruxelles? «Le point d’achoppement entre la Suisse et l’UE sera celui de l’étendue du volet institutionnel» poursuit notre interlocuteur. Le Conseil fédéral a obtenu ce qu’il voulait: un aménagement des accords bilatéraux. L’UE n’est pas parvenue à tracer un cadre plus général de ses accords et relations avec la Suisse. Les mouvements proeuropéens suisses sont tombés à pieds joints dans ce piège, se félicitant de cette solution préconisée par leur gouvernement, alors que la signature de futures Bilatérales constituent pour eux, ni plus ni moins, un échec cuisant à court et à moyen terme. Le pire, c’est qu’ils ne le remarquent même pas. Leur état de réflexion politique touche le fond. Ils font preuve d’une faiblesse intellectuelle et stratégique sans précédent, car ces accords ne règlent rien sur le fond. L’UDC a bel et bien gagné cette bataille»
Richard Werly est ce soir à partir de 21 heures l’invité d’Infrarouge, le débat de la RTS animé par Alexis Favre.