L'Europe veut serrer la vis en matière d'asile avec sa fraîche réforme du «système européen commun d'asile» (Geas). Elle espère ainsi tirer des leçons de la crise migratoire qui avait secoué l'Allemagne en 2015. À l'époque, alors que l’Europe fermait ses frontières, plus d'un million de réfugiés syriens affluait vers le pays. La chancelière allemande de l'époque, Angela Merkel, avait alors prononcé cette phrase iconique: «Nous pouvons le faire.»
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Les représentants des États membres et du Parlement européen sont enfin parvenus à un accord mercredi. Si la réforme doit encore être approuvée par toutes les instances d'ici aux élections européennes, en juin prochain, elle annonce un bouleversement de la politique d'asile. Les défenseurs des droits de l'homme, eux, s'indignent. Notamment en raison de certaines mesures.
Mesure 1: Possibilité de renvoyer les migrants aux frontières de l'UE
Il sera désormais possible de mener des procédures d'asile aux frontières de l'UE. Pour cela, des centres d'asile seront installés à proximité de la frontière. Là, l'identité des migrants sera vérifiée jusqu'à ce qu'une décision soit prise sur leur demande d'asile. Les demandeurs pourront également être hébergés dans des centres d'accueil pendant une période pouvant aller jusqu'à douze semaines dans des conditions proches de la détention. Et ceux qui n'ont pas droit à l'accueil seront finalement renvoyés.
La procédure ne s'appliquera dans un premier temps qu'aux personnes originaires de Turquie, d'Inde, de Tunisie, de Serbie et d'Albanie. Des accords de renvoi sont envisagés avec ces pays.
Les autres réfugiés – par exemple de Syrie, d'Afghanistan ou du Soudan – suivront une procédure normale. Fait nouveau: le droit d'asile ne sera pas accordé aux personnes ayant traversé un pays tiers dit sûr jusqu'à la frontière de l'UE, auxquels appartiennent désormais la Tunisie, l'Albanie, la Géorgie et la Moldavie.
Mesure 2: Redéfinir la répartition des migrants entre pays membres
Un quota d'accueil de migrants est fixé pour tous les pays de l'UE, lesquels peuvent toutefois décider s'ils souhaitent respecter ce quota.
Toutefois, les États qui accueillent moins de personnes pourront procéder de deux façons: soit ils fournissent des prestations en nature – par exemple une aide dans la procédure d'asile – soit ils versent 20'000 euros par demandeur. Un mécanisme de répartition obligatoire des migrants entre les pays ne devrait être mis en place qu'en cas de crise.
Quels sont les autres mesures prévues par la réforme?
La coopération avec les pays de l'UE partie des mesures prévue, de même qu'un soutien aux pays d'origine des migrants. La lutte contre les passeurs sera également renforcée et les expulsions seront plus sûres et plus réglementées.
En outre, l'UE espère lutter contre le recul démographique et la pénurie de main-d'œuvre qualifiée en recrutant davantage de réfugiés. Pour cela, différents programmes de parrainage seront mis en place.
Une politique d'asile à la peine en Europe
Le dossier migratoire est un sujet épineux en Europe. Actuellement, ce sont surtout les pays situés aux portes de l'UE – l'Italie et la Grèce – qui sont touchés par l'afflux de migrants. En raison de l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile, l'Italie a déclaré l'état d'urgence en avril et a demandé un soutien plus important de la part des Etats membres.
Le règlement de Dublin, quant à lui, assure une répartition inégale des réfugiés, ces derniers ne pouvant déposer de demande d'asile que dans le pays par lequel ils sont arrivés en Europe pour la première fois.
De son côté, l'agence de protection des frontières Frontex, créée en 2005 pour protéger les frontières européennes, est régulièrement critiquée pour empêcher, par la force, les migrants de passer.
«Cette réforme ne résoudra pas les défis existants. Elle les aggravera!»
Les organismes de protection des réfugiés sont indignés. Ainsi, l'association Caritas a déclaré que la réforme ne résoudrait pas le problème migratoire dans l'UE, mais qu'elle limiterait l'accès à l'asile et les droits des personnes en quête de protection. Dans les pays situés aux portes du Vieux Continent, les détentions – y compris de familles – dans de mauvaises conditions d'accueil risquent de se multiplier.
Et Amnesty International de conclure sur X: «Cette réforme est contraire aux droits de l'homme et conduira à davantage de souffrance et de violence aux frontières extérieures de l'UE. Geas ne résoudra pas les défis existants, mais les aggravera!»