Boris Pistorius tire la sonnette d'alarme. Le ministre allemand de la Défense met en garde contre une extension de la guerre en Ukraine. Le Kremlin pourrait bientôt prendre pour cible le flanc est de l'OTAN, selon un document de son ministère qui dresse un tableau sombre de la situation.
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Selon ce document secret, les Etats baltes que sont l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie seraient particulièrement menacés par la puissance de frappe du Kremlin. Dès la présidentielle américaine prévue en novembre, Vladimir Poutine pourrait faire intervenir ses troupes dans des pays de l'OTAN.
Le ministre suédois de la Défense civile Carl-Oskar Bohlin est aussi de cet avis: «Il pourrait y avoir une guerre en Suède», met-il en garde. Même son de cloche à l'Université d'Oslo, chez le chercheur en nucléaire Fabian Hoffmann: «Nous sommes bien plus proches d'une guerre avec la Russie que la plupart des gens ne le pensent», estime-t-il.
Pas d'attaque immédiate
S'agit-il alors d'alarmisme pour relancer un soutien à l'Ukraine qui s'essouffle ou faut-il réellement craindre une attaque imminente de la Russie contre des pays de l'OTAN?
«Je ne vois actuellement aucun scénario plausible selon lequel une attaque imminente de la Russie contre des territoires de l'OTAN serait imminente», tempère Marcel Berni, stratège militaire à l'EPFZ. La majorité des ressources sont pour le moment allouées à la guerre de position qui se poursuit en Ukraine.
L'expert russe Ulrich Schmid, de l'Université de Saint-Gall, est du même avis. Certes, le Kremlin tente régulièrement d'ouvrir de nouveaux fronts politiques par des actions cachées. Objectif non dissimulé: déstabiliser l'Europe. Mais une attaque militaire de plus grande envergure ne semble pas à l'ordre du jour.
À Berne, même au sein du tout nouveau Secrétariat d'État à la politique de sécurité, le calme est de mise. Il faut dire que, depuis longtemps, la Russie est constamment l'une des principales menaces pour la sécurité du continent. «Elle vise régulièrement la politique et l'opinion publique de différents pays européens», abonde un porte-parole. Alors pourquoi autant d'alarmisme du côté de Boris Pistorius?
Un réveil nécessaire
«Il s'agit probablement de rappeler aux partenaires de l'OTAN l'urgence d'un soutien à l'Ukraine», explique Ulrich Schmid. En de nombreux endroits, la dynamique s'est essoufflée. Ainsi, la Pologne, l'un des plus fidèles alliés de l'Ukraine, a annoncé qu'elle ne livrerait plus d'armes, car elle souhaite d'abord assurer sa propre défense.
Marcel Berni évoque lui aussi des «appels au réveil face à la lassitude européenne de la guerre». Il s'agit aussi pour chaque état de faire des efforts pour son propre armement. Enfin, les Etats-Unis pourraient bientôt se tourner davantage vers l'Asie et exiger des Européens des efforts de défense plus importants. En fin de compte, il en va de la crédibilité occidentale et donc de la sécurité européenne.
La prudence est de mise
Les experts s'accordent toutefois à ne pas non plus ignorer totalement ces alertes. La menace russe reste réelle. Marcel Berni estime quand même que Poutine a de bonnes raisons de ne pas se frotter directement à l'OTAN.
Il existe un consensus tacite, ajoute Ulrich Schmid: en évitant de devenir un belligérant direct de la Russie, l'OTAN respecte la capacité nucléaire de Moscou. Le Kremlin, quant à lui, respecte l'alliance de l'OTAN et se contente de provocations en dessous du seuil de guerre. Il procède 'seulement' à des violations ponctuelles de l'espace aérien et maritime.
De plus, les pays occidentaux sont devenus plus prudents. Les avertissements sont pris plus au sérieux, rappelle Ulrich Schmid. L'Europe a manifestement tiré les leçons des erreurs de prévision précédentes, après avoir été surprise par l'invasion de l'Ukraine il y a tout juste deux ans.