En Israël, la foule descend en ce moment dans la rue – et ce n'est pas pour se réjouir du retour des otages libérés par le Hamas. Samedi soir, des milliers de personnes ont manifesté à Jérusalem et à Tel-Aviv pour demander la démission du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Les manifestants ont encerclé la résidence du chef du gouvernement. Ils lui reprochent de ne pas avoir réussi à protéger le peuple israélien lors des attaques du 7 octobre dernier.
La politique de Netanyahu et sa relation avec le Hamas sont de plus en plus contestés. Dans un article du «Washington Post», l'historien israélien Adam Raz lance de lourdes accusations contre le Premier ministre de son pays. «Netanyahu et le Hamas dépendaient l'un de l'autre», titre le quotidien américain sur le sujet en question.
L'article avance que le groupe islamiste et le politicien pourraient bien être sur le point d'imploser. Benjamin Netanyahu aurait entretenu une «étrange symbiose» avec le Hamas, qui domine la bande de Gaza depuis des décennies, affirme l'historien. Selon lui, le Premier ministre a utilisé le Hamas pour saboter le processus de paix israélo-palestinien et empêcher la création d'un État palestinien.
Benjamin Netanyahu, qui avait déjà gouverné Israël de 2009 à 2020 avant de revenir au pouvoir en décembre 2022, a juré à plusieurs reprises pendant son mandat de détruire le Hamas. Mais l'homme a plutôt mené une politique qui a aidé le groupe terroriste à rester au pouvoir à Gaza. L'entourage du Premier ministre a approuvé des transferts d'argent du Qatar qui ont servi à payer les salaires publics dans la bande de Gaza, à améliorer les infrastructures locales et même, selon certaines sources, à financer des opérations du Hamas.
Diviser pour mieux régner
«Au cours des dix dernières années, Netanyahu a œuvré pour bloquer toute tentative de démanteler le Hamas dans la bande de Gaza», assure Adam Raz. L'auteur de nombreux ouvrages sur la zone de conflit évoque une alliance entre Netanyahu et le Hamas.
L'objectif de la politique de Netanyahu aurait été de diviser les Palestiniens en laissant le Hamas régner sur la bande de Gaza, tout en laissant ses rivaux de l'Autorité palestinienne contrôler la Cisjordanie. Diviser pour mieux régner: l'adage est bien connu. La complexité du conflit rendant une solution négociée à deux Etats fort improbable, Netanyahu a donc tout simplement ignoré la question palestinienne.
Même en 2018, alors que le Hamas et l'Autorité palestinienne étaient sur le point de se rapprocher, le Premier ministre a tenté d'empêcher une réconciliation entre les deux parties. «Au cours des dix dernières années, Netanyahu s'est employé à bloquer toute tentative de détruire le Hamas à Gaza», poursuit l'historien.
Les dirigeants d'Israël et de Gaza aux abois
La stratégie de Netanyahu est désormais examinée à la loupe par beaucoup en Israël. La colère qui traverse le pays a amené la popularité du Premier ministre à un taux historiquement bas. Selon Dahlia Scheindlin, spécialiste israélienne en sondages et analyste politique, seuls 25% des électeurs considèrent encore Netanyahu comme l'homme politique le plus approprié pour le poste de chef de gouvernement.
Son pouvoir vacille. D'autant que de nombreux Palestiniens de Gaza sont désormais prêts à s'opposer au Hamas, aussi bien sur les réseaux sociaux que dans de simples conversations, rapporte le «Washington Post». Les dernières élections à Gaza ont eu lieu en 2006. Avant la guerre, les critiques à l'encontre du régime du Hamas étaient discrètes, par peur des représailles des islamistes. Cela semble changer aujourd'hui.
Un homme de 34 ans n'a désormais plus peur d'affirmer auprès de nos confrères: «L'absence d'un gouvernement compétent nous a plongés dans la pauvreté et la misère. Cela est encore aggravé par cette guerre dévastatrice. Les actions d'Israël n'épargnent personne, que l'on soit membre du Hamas ou non.»
Netanyahu joue la montre
Le quotidien «Asharq Al-Awsat», l'un des plus importants du monde arabe, a annoncé ce samedi que Netanyahu était en principe «prêt à démissionner». Mais il souhaiterait d'abord définir un plan de paix régional avec le président américain Joe Biden.
Le journal influent édité à Londres se réfère à des «cercles politiques de confiance». Le Premier ministre israélien envisagerait de prendre sa retraite, mais pas avant une issue claire du conflit. Autant dire que cela peut prendre du temps.