Le patron de l'OMS ne trouve «pas de mots assez forts»
Chaos total dans les hôpitaux du sud de la bande de Gaza

Dans les hôpitaux de Gaza, submergés après huit semaines de guerre, le chaos règne tandis que médecins et proches luttent pour sauver des vies. Les hôpitaux du nord ne peuvent plus effectuer d'opérations alors que ceux du sud ne sont qu'en partie fonctionnels.
Publié: 03.12.2023 à 17:33 heures
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Dernière mise à jour: 03.12.2023 à 17:34 heures
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Des médecins prennent en charge une personne blessée dans un bombardement israélien à l'hôpital Nasser de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 3 décembre 2023.
Photo: MAHMUD HAMS

Des proches tiennent les poches de sérum de blessés allongés à même le sol, d'autres emportent un corps pour aller l'envelopper dans un linceul. Et, chaque jour affluent de nouveaux blessés: dans les hôpitaux du sud de la bande de Gaza, c'est le chaos.

Après huit semaines de guerre interrompues par une maigre pause de sept jours, les médecins sont exténués. Ils doivent choisir quand et dans quels services faire tourner les générateurs, dont les réserves de fuel sont quasiment à sec, l'électricité étant coupée dans la bande de Gaza depuis qu'Israël en a ordonné le «siège complet».

Aujourd'hui, rapporte l'ONU, «plus aucun hôpital du nord ne peut assurer d'opération chirurgicale». Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) convoie chaque jour les blessés les plus graves vers le sud où, toujours selon l'ONU, «les douze hôpitaux restants ne sont qu'en partie fonctionnels».

«Elle ne répond plus»

Abdelkarim Abou Warda et Houda viennent d'arriver à bord d'un de ces convois à l'hôpital de Deir al-Balah, dans le sud. Vendredi, quand les hostilités ont repris entre le Hamas, au pouvoir à Gaza, et Israël, l'aviation israélienne a largué une bombe sur leur maison de Jabaliya, l'immense camp de réfugiés du nord.

Houda, neuf ans, a été touchée à la tête. «Elle a fait une hémorragie cérébrale, elle a été placée sous respirateur en soins intensifs», raconte son père à l'AFP. Depuis, «elle ne réagit à rien», dit-il en levant les bras de la petite, dont le visage dodeline sans que ses yeux s'ouvrent. «Elle ne me répond plus», répète-t-il entre deux sanglots.

Maintenant que le jour se lève, les premières prières des morts résonnent. Ici, quelques dizaines d'hommes se recueillent devant des sacs mortuaires blancs alignés au sol. Entre deux grands sacs, un petit linceul est logé, celui d'un enfant qu'on garde près de ses parents, jusque dans la mort.

Le patron de l'OMS ne trouve pas les mots

Des femmes en larmes s'accroupissent pour toucher une dernière fois un visage, embrasser un proche parti avant que des hommes ne chargent précautionneusement des corps à l'arrière d'un pick-up. «C'est Adam qui part, et là, Abdallah», lance une femme en sanglots.

A l'hôpital Nasser de Khan Younès, le plus grand du sud de la bande de Gaza, c'est le même engorgement. Le patron de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a évoqué dimanche cet hôpital, disant «ne pas pouvoir trouver de mots assez forts» pour décrire la situation.

Ici aussi, on reçoit les évacués des hôpitaux du nord, où, en plus des frappes venues des airs, de la mer et de l'artillerie postée en territoire israélien, des combats au sol ont lieu jusque dans des hôpitaux.

Les frappes, qui se concentrent désormais sur Khan Younès, ont fait, selon le gouvernement du Hamas, plus de 15'200 morts – dont 280 soignants – depuis qu'elles ont débuté le 7 octobre, en représailles à l'attaque sanglante du Hamas en Israël qui a fait 1200 morts selon Israël.

«J'ai vu la bombe tomber»

Chaque jour désormais, l'armée israélienne avertit dans des tracts largués sur certains quartiers qu'une «terrible attaque est imminente» et ordonne aux habitants d'en partir. Chaque jour aussi, ces avertissements se rapprochent du quartier de l'hôpital. A chaque explosion qui secoue la ville, affluent de nouveaux blessés, de nouveaux mutilés et de nouveaux corps, parfois sans personne pour les identifier.

Alors, en courant, des brancardiers poussent une civière encore tachée de sang pour aller chercher les derniers arrivés, souvent dans des voitures de particuliers car les ambulances n'ont plus le temps de sortir.

Dans les couloirs, familles, blessés, soignants se poussent pour approcher des lits. D'autres glissent un pull ou un T-shirt sous la tête d'un blessé allongé à même le carrelage froid, maculé de sang. Les blessés ont le visage crayeux, certains sont trop faibles pour crier leur douleur.

Ehab al-Najjar, lui, laisse éclater sa colère: «Je suis rentré chez moi et j'ai vu la bombe tomber sur notre maison; des femmes, des enfants sont morts, qu'est-ce qu'ils ont fait pour mériter ça?», hurle-t-il, avant de se lancer dans une longue diatribe contre les dirigeants arabes et la communauté internationale.

(AFP)

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