Après une première phase de son offensive terrestre contre le Hamas concentrée dans le nord de Gaza, l'armée a étendu cette semaine ses opérations jusque dans le sud, où sont réfugiés près de deux millions de civils désormais pris au piège, acculés dans un territoire de plus en plus exigu. Sur place, les soldats israéliens, appuyés par des frappes aériennes, ont affronté jeudi les combattants du Hamas à Khan Younès, la plus grande ville du sud devenue l'épicentre de la guerre, ainsi que dans le nord, dans la ville de Gaza et le secteur voisin de Jabaliya.
À savoir sur le conflit
Le bilan à Gaza s'est encore alourdi jeudi pour atteindre 17'177 morts, à 70% des femmes et des moins de 18 ans, tués par les bombardements israéliens, selon le ministère de la Santé du Hamas. Et tôt vendredi, le ministère a fait état de 40 morts dans des frappes près de Gaza-ville, et de «dizaines» d'autres dans à Jabaliya (nord) et Khan Younès (sud).
Jeudi soir, les chaînes de télévision israéliennes ont diffusé des vidéos montrant des dizaines de Palestiniens en sous-vêtements, les yeux bandés, sous la garde de soldats israéliens dans la bande de Gaza, provoquant une vive polémique sur les réseaux sociaux. L'armée israélienne a dit «enquêter» pour «vérifier qui est lié au Hamas et qui ne l'est pas», en référence au mouvement islamiste palestinien considéré comme une organisation terroriste par Israël, l'Union européenne et les Etats-Unis.
Protéger les civils
Dans un entretien téléphonique avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le président américain Joe Biden «a insisté sur la nécessité absolue de protéger les civils et de séparer la population civile du Hamas», selon la Maison Blanche. Les Etats-Unis soutiennent fermement Israël depuis l'attaque sanglante du 7 octobre menée par le Hamas, au cours de laquelle 1200 personnes ont été tuées selon les autorités israéliennes, mais Washington s'inquiète de plus en plus du bilan des civils à Gaza. Au total, 91 soldats israéliens ont été tués dans les combats à Gaza, y compris jeudi le fils de Gadi Eisenkot, ancien chef de l'état-major de l'armée et membre du Cabinet de guerre de Benjamin Netanyahu, selon une dernière mise à jour de l'armée.
Traumatisé par l'attaque du 7 octobre, Israël a commencé jeudi soir à célébrer Hanouka, la fête juive des Lumières. A Tel-Aviv, des familles et proches des otages ont participé à une veillée où ils ont allumé les bougies d'une menorah géante, ou chandelier, comptant symboliquement 138 branches, en hommage aux personnes toujours otages du Hamas. Le Premier ministre Netanyahu a, lui, allumé au Mur des Lamentations une bougie à l'occasion de cette fête commémorant l'une des grandes victoires de l'histoire juive quand, au IIe siècle avant J.C, un petit groupe de Juifs, les Macchabées, ont reprit le Temple profané de Jérusalem.
«Pas de solution politique à l'horizon»
«À cette époque, les Macchabées ont libéré le Temple, l'ont purifié, et rétabli la souveraineté et l'indépendance juives (...) Aujourd'hui, nous, les Macchabées de notre époque, combattons les forces du mal qui sont venues effacer le peuple juif et son Etat de la surface de la terre», a déclaré M. Netanyahu. Des milliers de personnes tentent de fuir Khan Younès en proie aux combats pour se diriger vers Rafah, à la frontière égyptienne, seul endroit où de l'aide humanitaire est encore distribuée, en quantité limitée.
«Depuis deux mois, on bouge d'un endroit à un autre (...) Nous sommes très fatigués, nous dormons dans la rue», témoigne Abdullah Abou Daqqa, qui est parvenu à rejoindre la ville frontalière, évoquant «les deux mois les plus durs» de son existence. Arrivé lui aussi à Rafah, Ahmad Hajjaj, venu du camp de Chati, dans le nord, décrit une situation catastrophique: «Nous n'avons pas de produits de première nécessité, la situation empire de jour en jour, et il n'y a pas de solution politique à l'horizon».
Livraisons de carburant
Le directeur général de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a évoqué un système de santé «à genoux» dans la bande de Gaza, où la plupart des hôpitaux du nord ne fonctionnent plus tandis que ceux du sud, submergés par l'afflux de milliers de blessés, sont au bord de l'effondrement. Israël a imposé depuis le 9 octobre un siège total à la bande de Gaza, qui provoque de graves pénuries d'eau, de nourriture, de médicaments, d'électricité, tandis que l'aide humanitaire, dont l'entrée est soumise au feu vert israélien, n'arrive qu'au compte-gouttes depuis l'Egypte.
Le carburant, nécessaire au fonctionnement des générateurs dans les hôpitaux et aux équipements de dessalinisation de l'eau, manque aussi. Le gouvernement israélien a cependant autorisé cette semaine la livraison d'un «supplément minimal» de carburant pour éviter un «effondrement humanitaire» et des épidémies, deux jours après un appel en ce sens des Etats-Unis.
Selon l'ONU, 1,9 million de personnes, soit environ de 85% la population, ont été déplacées par la guerre dans la bande de Gaza où plus de la moitié des habitations sont détruites ou endommagées. Face à une «situation catastrophique dans la bande de Gaza», le Conseil de sécurité de l'ONU doit se prononcer vendredi sur un appel à un «cessez-le-feu humanitaire immédiat» selon la dernière version du texte vue par l'AFP.
(ATS)