Ce soldat russe prisonnier en Ukraine en veut à Poutine
«On nous a promis qu'on irait pas en Ukraine mais on nous a tous menti!»

L'offensive ukrainienne dans l'oblast de Koursk a pris de court les troupes de Moscou. Parmi elles, de jeunes conscrits et des soldats de la république autonome de Tchétchénie. Blick les a rencontrés dans une prison de guerre à la frontière.
Publié: 15.09.2024 à 06:01 heures
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Dernière mise à jour: 15.09.2024 à 10:41 heures
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Aujourd'hui, Kantemir et ses camarades sont détenus dans une prison ukrainienne près de la frontière russe.
Photo: Helena Schmid
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Helena Graf
Kantemir était stationné pour l'armée russe à Koursk lorsque les Ukrainiens ont envahi le pays.
Photo: Helena Schmid

Tous les signes de sa jeunesse ont disparu du visage de Kantemir. Le jeune homme de 24 ans est assis sur le bord d'un lit superposé rouillé. Ses cheveux sont clairsemés, ses yeux ne brillent pas, il fronce les sourcils. «J'ai fait mon service militaire en Russie», raconte-t-il en insistant sur le fait qu'il parle anglais. «Les autorités m'ont garanti que je ne serais pas envoyé en Ukraine ou à la frontière. Mais quelque chose s'est mal passé.»

Kantemir était stationné à Koursk lorsque l'armée ukrainienne a pénétré pour la première fois sur le sol russe début août. Il est désormais détenu dans une prison de la région ukrainienne de Soumy, à une quarantaine de kilomètres de la frontière. Quelques dizaines de prisonniers de guerre y sont enfermés, mais aussi quelques assassins ukrainiens.

L'armée russe l'a convoqué pour le service militaire obligatoire, raconte Kantemir. «Ils nous ont assuré, à nous les recrues, que nous ne serions pas envoyés en Ukraine ou à la frontière. Mais on nous a tous menti!» Même le président Vladimir Poutine avait jusqu'à présent toujours insisté sur le fait que les conscrits n'étaient engagés que sur le sol russe et non dans ce que l'on appelle «les opérations spéciales».

«Nous ne voulons pas tuer des Ukrainiens»

Lorsque l'armée ukrainienne prend d'assaut la frontière de Koursk début août, Kantemir et ses camarades se cachent pour échapper aux drones et aux missiles armés. «Pendant neuf jours, nous avons à peine osé sortir de notre abri. Quand les soldats se sont approchés, nous avons déposé les armes et nous nous sommes rendus.»

Kantemir affirme n'avoir jamais tiré sur un soldat adverse. «Nous ne voulons pas tuer d'Ukrainiens», assure-t-il. Régulièrement, lui et sa troupe n'auraient même pas osé tirer sur des drones ukrainiens: «Nous avions peur qu'ils nous trouvent.»

Les déclarations de Kantemir ne peuvent pas être vérifiées. Il s'est porté volontaire pour nous accorder une interview, sans contrepartie. Pendant l'entretien avec Blick, un officier de presse ukrainien était présent dans la pièce. Il est important de le préciser, car cela influence le comportement et le témoignage d'un prisonnier de guerre.

«Je déteste les prisonniers russes»

Le chef de prison Volodimir a entendu d'innombrables histoires comme celle de Kantemir. «Les prisonniers racontent tous la même chose. Ils auraient été enrôlés dans l'armée russe, n'auraient été au front que quelques jours, n'auraient tué personne. Ils espèrent ainsi obtenir un avantage.»

Le chef de prison Volodimir déclare à Blick: «Je déteste les prisonniers russes. Mais je les traite comme les autres.»
Photo: Helena Schmid

Volodimir, qui comme Kantemir ne veut pas transmettre son nom de famille, tient à dire que tous les détenus sont traités de la même manière, qu'il s'agisse de soldats russes ou d'assassins ukrainiens. «J'avoue que je déteste les prisonniers russes. Mais je ne laisserai pas la haine influencer mes décisions.»

Comme le directeur de la prison, l'armée ukrainienne souligne qu'elle respecte les conventions de Genève. «Les détenus reçoivent de la nourriture trois fois par jour. Et ce sont de grandes portions. Ils peuvent sortir au moins une fois par jour et prendre une douche une fois par semaine», explique Volodimir.

«Rendez-vous et vous survivrez»

Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) passe chaque semaine pour s'en assurer. Les médias ukrainiens ont rapporté qu'on refusait aux prisonniers le droit de contacter leurs proches. Le service de médiation ukrainien a confirmé qu'il s'agissait d'une peine temporaire, car des soldats russes avaient récemment exécuté des prisonniers de guerre ukrainiens ou leur avaient coupé les mains.

«Beaucoup de ces soldats n'ont pas de papiers lorsqu'ils arrivent chez nous. Nous devons vérifier leur identité avant de leur accorder des appels à leurs familles», ajoute le chef de la prison.

Quatre prisonniers tchétchènes sont assis dans une autre cellule. Leur déjeuner est encore sur la table, un ragoût dans des barquettes en plastique, non entamé. Umar*, 30 ans, raconte comment son commandant s'est figé de peur lorsque l'armée ukrainienne a envahi Koursk. «Ils ont tiré au bazooka, ont blessé de nombreux soldats de notre troupe.» Il aurait conseillé à ses camarades: «Rendez-vous et vous survivrez!»

«Je veux quitter la Russie»

Umar est originaire de Grozny, la capitale de la république autonome de Tchétchénie, où il tenait un snack-bar. Durant l'été 2023, il a été appelé et envoyé à la frontière russo-ukrainienne. Lui aussi affirme n'avoir jamais tué de soldat ukrainien. «La guerre est quelque chose d'horrible!» Kantemir affirme la même chose. «Je suis contre la guerre et je veux quitter la Russie si je suis libéré.»

Mais reconnaître la Russie comme agresseur, ni Kantemir ni Umar n'osent le faire. «Il y a des combattants brutaux des deux côtés», conclut le Tchétchène.

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