Un système controversé
Comment 500 millions d'aide à l'Ukraine atterrissent dans les poches d'entreprises suisses

Le Conseil fédéral veut consacrer 1,5 milliard de francs à la reconstruction de l'Ukraine au cours des prochaines années. Un tiers de cet argent doit être versé à des entreprises suisses, ce qui suscite de vives critiques de la part des œuvres d'entraide.
Publié: 13.09.2024 à 06:00 heures
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Dernière mise à jour: 13.09.2024 à 09:43 heures
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Le Conseil fédéral, autour du ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, veut impliquer le secteur privé suisse dans une partie de l'aide à l'Ukraine.
Photo: keystone-sda.ch
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Lea Hartmann et Tobias Bruggmann
Le groupe industriel Weidmann de Rapperswil produit en Ukraine, malgré la guerre.
Photo: Zvg

Environ 600 collaborateurs du groupe industriel Weidmann de Rapperswil travaillent pendant la guerre. Ils sont employés dans l'usine de Malyn, à l'ouest de Kiev, et produisent des matériaux d'isolation spéciaux pour les transformateurs. Ils ne sont pas seuls. D'autres entreprises suisses comme Glas Trösch ou Geberit sont également restées en Ukraine malgré la guerre. Elles pourraient désormais jouer un rôle important dans la reconstruction du pays.

Le Conseil fédéral veut consacrer 1,5 milliard de francs d'ici à 2028 à la reconstruction des infrastructures détruites. L'aide à l'Ukraine fait partie de la stratégie d'aide au développement que le Conseil des Etats a approuvée mercredi. Un tiers des 1,5 milliard ne sera pas directement versé à l'Ukraine, mais à des entreprises suisses qui livreront leurs produits au pays. Elles pourraient ainsi maintenir des emplois et en créer de nouveaux.

Un système vivement critiqué

«L'Ukraine a un besoin urgent d'emplois», a déclaré Helene Budliger Artieda, cheffe du Secrétariat d'État à l'économie (Seco), lors d'une récente conférence de presse. Les entreprises suisses ayant des usines en Ukraine ont «tenu le coup» pendant deux ans. Il est important, selon elle, que ces emplois ne soient pas perdus. Des projets de formation professionnelle pourraient également y être liés.

La secrétaire d'État cite comme exemple possible le verre de sécurité dont l'Ukraine a un besoin urgent – des entreprises suisses comme Glas Trösch pourraient le fournir. Les entreprises suisses auraient besoin de services d'ouverture de portes et d'une «sorte d'assurance, avec une première commande ponctuelle qui génère davantage d'investissements». Ces investissements privés devraient être nettement plus élevés que les aides publiques.

Mais cette stratégie est controversée. La cheffe du Seco a souligné qu'il ne s'agissait pas de soutenir les entreprises suisses. Les organisations d'aide au développement critiquent néanmoins le fait que ce sont en premier lieu les entreprises suisses qui profitent des aides à la reconstruction.

Bon d'achat pour l'Ukraine

«Si les entreprises suisses sont renforcées, cela ne sert absolument à rien pour l'Ukraine», estime Andreas Missbach, directeur d'Alliance Sud. C'est surtout le plan à long terme du Conseil fédéral qui est une épine dans le pied des œuvres d'entraide: la préférence donnée aux entreprises suisses pour la reconstruction.

Andreas Missbach compare ce concept à un bon d'achat. La Suisse finance certains projets de reconstruction, mais uniquement si des entreprises suisses sont engagées à cet effet. Pour cela, le Conseil fédéral veut conclure un accord international avec l'Ukraine. «Cela se fait au détriment des entreprises ukrainiennes qui pourraient tout aussi bien s'acquitter de la mission, ce qui renforcerait l'économie ukrainienne», explique AndreasMissbach.

Une affaire qui risque de durer

En revanche, la stratégie du Conseil fédéral est bien accueillie dans l'économie. «De tels investissements de départ améliorent les conditions pour la reprise et le développement de l'ensemble de l'économie ukrainienne», déclare le CEO de Weidmann, Maximilian Veit.

On travaille déjà avec des clients en Ukraine pour soutenir au mieux la reconstruction. «Il s'agit notamment d'investir dans une infrastructure locale fiable ou de créer des possibilités de formation pratique pour les spécialistes, par exemple sur le modèle de l'apprentissage suisse.»

La prochaine étape sera le Conseil national. Et il y a également encore des discussions sur les bases juridiques. L'affaire n'est pas encore dans le sac.

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