«Il y a beaucoup de femmes et d'enfants parmi les victimes. La plupart des gens sont choqués, traumatisés», a déclaré vendredi à l'AFP un responsable de l'ancien gouvernement renversé à la mi août par les talibans, en annonçant à l'AFP le nouveau bilan d'au moins 72 morts et 150 blessés à partir des informations recueillies dans les hôpitaux locaux. Le précédent bilan, donné jeudi soir par le régime taliban, faisait état de 13 à 20 morts et de 52 blessés.
La situation semblait calme vendredi matin à Kaboul, notamment autour de l'aéroport où les talibans avaient renforcé leurs barrages et où la foule semblait avoir disparu par endroits.
Biden veut «faire payer» l'EI
La double explosion a également tué au moins treize soldats américains et en a blessé 18 autres, selon le Pentagone, ce qui en fait l'attaque la plus meurtrière contre l'armée américaine en Afghanistan depuis 2011.
Confronté à la plus grave crise depuis le début de son mandat et visiblement secoué, Joe Biden a réagi en promettant de «pourchasser» et de «faire payer» les auteurs de l'attaque. «L'Amérique ne se laissera pas intimider», a-t-il lancé d'un ton martial.
Les larmes aux yeux, le président américain a rendu hommage aux soldats tués, «des héros (...) engagés dans une mission dangereuse et altruiste pour sauver d'autres vies» et il a fait savoir que les Etats-Unis allaient «poursuivre l'évacuation».
Nouvelles attaques attendues
Ce premier attentat meurtrier depuis le retour au pouvoir des talibans le 15 août intervient à quelques jours du départ du pays des troupes américaines, prévu le 31 août après vingt ans de guerre infructueuse contre les islamistes.
Selon Washington, qui s'attend à ce que les attaques de l'EI «continuent», cet attentat a été mené par deux kamikazes du groupe djihadiste, suivi d'une fusillade.
Sous le nom d'EI-K (Etat islamique Province du Khorasan), l'EI a revendiqué certaines des attaques les plus sanglantes commises ces dernières années en Afghanistan, faisant des centaines de morts, en particulier parmi les musulmans chiites.
Même s'il s'agit de deux groupes sunnites radicaux, l'EI et les talibans sont en concurrence et sont animés par une haine tenace et réciproque.
Condamnations
Les Occidentaux ont condamné l'attentat, en soulignant qu'il ne devait pas empêcher la poursuite des évacuations massives, qui ont à ce jour permis de faire partir 100'100 personnes, selon les dernières données publiées jeudi soir par la Maison Blanche.
Le nouveau régime taliban, via son porte-parole Zabihullah Mujahid, a «fermement condamné» ces «attentats à la bombe», tout en soulignant qu'ils étaient survenus dans une zone placée sous la responsabilité de l'armée américaine.
Depuis la reprise soudaine de Kaboul et du pouvoir par les talibans, le vaste aéroport de Kaboul est le dernier endroit du pays où sont rassemblées les forces occidentales, menées par l'armée américaine. L'Otan et l'Union européenne ont appelé à poursuivre les évacuations depuis Kaboul malgré tout.
Fin des évacuations
L'Espagne a annoncé vendredi matin avoir terminé ses vols d'évacuation, comme l'Allemagne, les Pays-Bas, le Canada et l'Australie avant elle. Celles des Britanniques s'achèveront «dans quelques heures», a précisé Londres vendredi matin.
Après les explosions, Paris a annoncé le rapatriement en France pour raisons de sécurité de son ambassadeur en Afghanistan David Martinon, qui se trouvait jusqu'alors à l'aéroport de Kaboul. La France, qui avait prévu d'achever ses évacuations vendredi soir, pourrait poursuivre l'opération «au-delà» de cette date, a déclaré le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Clément Beaune.
Discussions avec Ankara
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé vendredi que son pays avait tenu de premières discussions avec les talibans durant «trois heures et demie» à Kaboul.
Il a ajouté qu'Ankara étudiait la proposition des nouveaux maîtres de l'Afghanistan de sécuriser l'aéroport de la capitale après le retrait américain. «Si c'est nécessaire, nous aurons l'occasion d'avoir de tels pourparlers à nouveau», a ajouté M. Erdogan.
Le rythme des évacuations, qui n'avait cessé de s'accélérer ces derniers jours, avait commencé à ralentir mercredi. Leur fin prochaine fait craindre que de nombreux Afghans ayant travaillé ces dernières années avec les étrangers ou le gouvernement pro-occidental déchu et se sentant menacés par les talibans ne puissent tous quitter le pays à temps.
Beaucoup d'Afghans, souvent urbains et éduqués, craignent que les islamistes n'instaurent le même type de régime fondamentaliste et brutal que lorsqu'ils étaient au pouvoir entre 1996 et 2001.