Il y a longtemps, j'ai été une taliba, assise avec d'autres talib et taliba dans une salle de séminaire. Ensemble, nous formions non seulement une classe de langue arabe, nous étions des talibans.
Nous n'avions pourtant rien à voir avec l'Afghanistan ou «les talibans». Mais l'un des premiers mots que j'ai appris lors de ce cours d'arabe, c'était «talib». Cela semble logique, car c'est ce que nous étions: des étudiants.
La raison pour laquelle les évènements des dernières semaines me rappellent mes études en culture islamique semble évidente. Les talibans ont à nouveau pris le contrôle de l'Afghanistan. Et si beaucoup de choses sont différentes de ce qu'elles étaient il y a 20 ans, les images qui font le tour du monde nous laissent toujours sans voix. Après vingt ans, il aura fallu moins de deux semaines pour que l'Afghanistan ne soit à nouveau aux mains des talibans.
Plutôt que de chercher un responsable, cherchons à aider
Et malgré l'horreur qui se déroule sous nos yeux, tout le monde semble plutôt intéressé à rivaliser de thèses sur la façon dont cela a pu se produire. Personne ne doutait que cela arriverait, mais tout le monde a été surpris par la rapidité avec laquelle les talibans ont pris Kaboul. Et si Joe Biden semble être condamné à endosser la responsabilité de cette débâcle, pointer du doigt un ou des coupables ne changera pas la situation sur le terrain. Et ne nous dédouanera pas de notre obligation d'aider. Car nous avons un devoir humanitaire. Nous avons besoin d'une mission humanitaire.
Il ne faudra pas compter sur les États-Unis. Joe Biden a récemment déclaré ouvertement pour la première fois que le but de la mission n'a jamais été de créer une démocratie en Afghanistan. Cela soulève une question légitime: dans ce cas, à quoi bon? Cette phrase explique sans doute pourquoi les États-Unis tentent de se sortir de cette crise le plus vite possible et à bas coûts. Mais elle n'explique pas pourquoi ils ont investi milliards après milliards et sacrifié tant de vies humaines au cours des vingt dernières années.
La situation est incertaine. Tout est possible. Une nouvelle génération de talibans est désormais aux commandes. Mais ce qui est certain, c'est que nous devons donc tout mettre en œuvre pour que l'histoire ne se répète pas. Si nous pouvons contribuer à une solution, alors nous devons le faire, à l'instar du CICR et de ses 1800 employés sur le terrain. C'est pourquoi mon parti demande l'admission de 10'000 réfugiés afghans.
C'est le devoir humanitaire que nous avons. Mais nous avons aussi besoin d'une mission humanitaire. Et pour une fois, je suis fière de notre ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis. Il veut convoquer un sommet sur l'Afghanistan en Suisse et offre nos bons offices. Car il est également clair que laisser la situation s'étioler ne permettra certainement pas de l'améliorer. Nous devons parler aux talibans et les amener à la table des négociations. Sinon, nous leur laisserons la voie libre vers un éventuel second règne de la terreur.