On connaissait «Jupiter», le super-président Emmanuel Macron qui s’occupe et décide de tout. Quel dieu romain pour désigner Gabriel Attal, le nouveau Premier ministre français de 34 ans qui vient de présenter, ce mardi 30 janvier, sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale? Impossible en effet de ne pas faire le lien entre le président et celui que la presse étrangère surnomme déjà «Mini Macron».
A lire aussi sur la France
Le chef de l’État français s’était fait élire en 2017 sur la volonté de changement et de rupture. Son dauphin, désormais considéré comme son successeur, a lui une seule priorité: s’attaquer aux problèmes quotidiens de ses concitoyens. Tous les sujets de préoccupation des Français ont peu ou prou été évoqués lors de son discours de plus d’une heure, prononcé au pas de charge, et ponctué sans cesse d’annonces concrètes. Oubliées la volonté de réformer la France. La priorité est désormais de «réarmer» le pays sur tous les plans: la santé, les services publics, l’agriculture, la sécurité…
De l’énergie à revendre
Gabriel Attal est jeune. Il a de l’énergie à revendre. Il maîtrise parfaitement les codes de la communication. Il est un bon pédagogue. Voilà donc ses arguments, pour faire oublier sa méconnaissance d’une vie professionnelle normale, puisqu’il n’a jamais travaillé en entreprise, et n’a connu jusque-là que les couloirs des cabinets ministériels, ou les palais de la République. Son expression fétiche? «J’assume». Sa méthode? Admettre les erreurs passées depuis le début de la présidence Macron, pour mieux énumérer les mesures à prendre. «Tout ce que nous pouvons faire, nous le ferons» a-t-il promis aux agriculteurs en colère qui menacent toujours de bloquer Paris, Lyon et Marseille.
Le jeune élu parisien, enfant huppé des beaux quartiers, a trouvé son bouc émissaire: les Verts, partisans selon lui «de la décroissance qui mème à la pauvreté de masse». «On ne fera pas l’écologie contre le peuple […] Il faut une écologie populaire à la française» a-t-il asséné devant les députés. Sa stratégie de communication est bien huilée: des annonces à répétition, une liste d’actions à entreprendre en urgence. Gabriel Attal a beau ne pas être imposant physiquement: c’est au bulldozer politique qu’il a joué ce mardi, chahuté par des oppositions qui doivent commencer à s’inquiéter.
Déluge de paroles
Pourquoi s’inquiéter? Parce que cette manière d’être Premier ministre commence déjà à fonctionner. Le déluge de paroles de Gabriel Attal, retransmis en direct par la télévision publique, a pour mission de noyer toutes les objections. Que répondre à un chef de gouvernement qui promet d’agir sur tous les tableaux et de restaurer «l’autorité partout», y compris face aux trafiquants de drogue? Résultat: un baromètre de popularité qui s’envole.
48% des Français, selon le dernier baromètre de l’institut Odoxa, estiment qu’il est un «bon Premier ministre» alors qu’il vient d’entamer son mandat. Une popularité qui le place 19 points au-dessus de sa prédécesseure Elisabeth Borne, mais aussi 16 points au-dessus d’Emmanuel Macron. L’ex Cheffe du gouvernement, redevenue députée, a passé deux ans à faire passer des réformes amères comme celle des retraites, à coups de procédure d’urgence de l’article 49.3 de la constitution. Gabriel Attal, lui, ne prendra pas ce risque. Son credo n’est plus celui de la «disruption» mais de l’efficacité.
Grands principes d’action
L’exercice du discours de politique générale d’un nouveau Premier ministre est bien calé. Il s’agit d’énoncer les grands principes d’action et de dire à quoi ressemblera le pays demain. Gabriel Attal a joué pleinement un rôle nouveau: celui du super «chief operating officer», le patron opérationnel qui fera le ménage dans un pays fracturé, et saura mobiliser la population à coups de ces formules choc dont raffolent les Français.
Conclusion parfaite sur le plan de la communication: ce trentenaire qui a grandi en politique a revendiqué d’être le premier chef du gouvernement «ouvertement homosexuel». Un gage de modernité. Un gage d’égalité. Avec ce qu’il faut de formules prisées de l’extrême-droite, comme nous sommes la France et rien ne résiste au peuple français». Ce n’est pas à Emmanuel Macron, en déplacement officiel en Suède ce mardi, que Gabriel Attal a ressemblé ce mardi devant les députés. C’est l’exemple de Nicolas Sarkozy, l’ancien président de droite - qui s’est, ces derniers temps, rapproché de l’Élysée – que le jeune chef du gouvernement, pourtant venu de la gauche, a choisi d’adopter.
Et les Français? Dans un pays où le «dire» est souvent assimilé au «faire», il leur faudra maintenant ingurgiter le catalogue du premier ministre et se le repasser en boucle. Idem pour le Rassemblement national, le parti national populiste dont Gabriel Attal veut contrer la progression annoncée aux élections européennes du 9 juin.
Tout en s’affirmant toujours «prêt au dialogue», le nouveau chef du gouvernement français vient, dans son discours à la hussarde de plus d’une heure, de priver ses opposants de l’argument du mépris si souvent utilisé contre Emmanuel Macron. Son choix est fait: tout promettre, dans l’espoir d’assécher l’oxygène politique d’une droite réactionnaire dopée au carburant de la frustration, du déclassement et du délitement.