Gabriel Attal n’a pas le choix. Le plus jeune Premier ministre de l’histoire de la République française doit, à 34 ans, sortir gagnant de l’épreuve de force avec les paysans avant l’ouverture du salon de l’agriculture le 24 février à Paris. Et pour cela, pas d’autre solution que de céder à leurs demandes. C’est ce que le chef du gouvernement a commencé à faire vendredi 26 janvier, lors d’un déplacement en Haute-Garonne, en signant ses premiers chèques aux paysans en colère. Lesquels ont déjà annoncé qu’ils poursuivront tout de même leurs blocages et leurs protestations, malgré la levée annoncée de plusieurs barrages routiers.
Des chèques? Oui, le mot est juste, derrière la promesse d'un «sursaut agricole et d'actes à la hauteur pour le pays et pour la jeunesse». Première concession budgétaire: le renoncement à la hausse prévue du prix du gasoil agricole, qui devait ramener de l’argent dans les caisses de l’État. L’augmentation du prix du carburant, rejetée par les agriculteurs, était due à une augmentation des taxes. Celle-ci n’aura donc pas lieu. Le manque à gagner fiscal est de 2,8 centimes par litre. Les syndicats affirment que cette augmentation aurait entraîné 3000 euros de dépenses supplémentaires pour les 400'000 exploitations agricoles françaises. Faites le compte: le manque à gagner se chiffre à 1,2 milliard d’euros au minimum. Dans un pays où le ministre des Finances Bruno Le Maire a averti, en janvier, de la nécessité de réaliser au moins douze milliards d’euros d’économies budgétaires en 2023.
Aides d’urgence
Second chèque: les aides d’urgence qui seront débloquées pour lutter contre la maladie hémorragique épizootique qui touche les bovins. Le premier montant évoqué est de 50 millions d’euros, mais les syndicats agricoles parlent du double, ou du triple. Ce faisant, les agriculteurs vont se retrouver encore plus dépendants des aides publiques, alors qu’ils dénoncent la bureaucratie et l’administration beaucoup trop tatillonne.
Troisième chèque: les aides d’urgence pour les secteurs les plus touchés de l’agriculture, qui pourraient atteindre entre 200 et 300 millions d’euros si on les additionne toutes.
Simplification, vraiment?
Et pour le reste? Des promesses sur la simplification des normes, destinées à répondre au ras-le-bol des paysans qui affirment être submergés de paperasses. Dix mesures de «simplification immédiates» pour les agriculteurs ont été annoncées par le nouveau Premier ministre qui promet un mouvement plus large pour «simplifier drastiquement les procédures et normes lorsque nécessaire». Des sanctions sont promises contre les distributeurs qui vendent à perte certains produits agricoles. Mais comment croire au sursaut possible dans un pays corseté par l’administration, où le mot «simplification» est largement galvaudé? La question des contrôles sur l’application des normes écologiques et environnementales, que Gabriel Attal a promis d’alléger, est aussi posée. Les alléger, concrètement, cela veut dire quoi? Rien par ailleurs sur le mal le plus souvent évoqué sur les barrages agricoles: la «surtransposition» des normes européens, rendues encore plus rigides par l'administration française.
Poursuite du mouvement
Résultat: une bonne partie des agriculteurs et de leurs syndicats affirment leur volonté de poursuivre le mouvement. Ils veulent maintenant une revalorisation de leurs retraites. La proximité du salon de l’agriculture, rendez-vous politique incontournable, et la décision des pouvoirs publics de ne pas utiliser la police pour faire évacuer les blocages routiers, placent les paysans révoltés en position de force. Gabriel Attal risque d’avoir à signer de nouveaux chèques. Des chèques qui, au regard de la situation budgétaire compliquée de la France en ce début 2024, vont comporter de plus en plus de zéros.