A Kaboul, la situation restait chaotique et tendue autour de l'aéroport, où des milliers d'Afghans effrayés par le retour des islamistes au pouvoir attendent d'être en mesure de quitter leur pays à bord des avions affrétés par les Occidentaux. Des échanges de tirs y ont eu lieu dans la matinée entre militaires américains et allemands d'un côté et assaillants non identifiés de l'autre.
Le président Joe Biden a évoqué ce week-end la possibilité de prolonger au-delà du 31 août la présence américaine à l'aéroport de Kaboul, où sont retranchées les derniers soldats et diplomates occidentaux qui coordonnent les évacuations. Il avait auparavant fixé cette date pour l'achèvement du retrait des forces américaines d'Afghanistan et donc la fin d'une guerre de 20 ans, la plus longue qu'aient connue les Etats-Unis.
Mais les talibans ont haussé le ton lundi contre un possible allongement de ce délai. «La réponse est non», sinon «il y aura des conséquences», a réagi un porte-parole des talibans, Suhail Shaheen, auprès de la chaîne de télévision britannique Sky News.
Fusillades avec des inconnus
Deux sources au sein du nouveau régime ont ensuite dit à l'AFP que les talibans n'annonceraient pas la constitution d'un gouvernement tant qu'il resterait des militaires américains en Afghanistan.
A l'aéroport de Kaboul, un garde afghan a été tué et trois blessés lundi matin dans les fusillades survenues avec des inconnus, a annoncé l'armée allemande sur Twitter.
Depuis leur soudaine prise du pouvoir en Afghanistan le 15 août, les talibans tentent de convaincre la population qu'ils ont changé et que leur régime sera moins brutal que le précédent, entre 1996 et 2001. Mais cela n'endigue pas le flot de ceux qui ne croient pas en leurs promesses et veulent à tout prix partir.
Quelque 30'300 personnes ont été évacuées par les Etats-Unis depuis le 14 août, a fait savoir dimanche la Maison Blanche. Celle-ci espère exfiltrer jusqu'à 15'000 Américains mais aussi 50'000 à 60'000 Afghans et leurs familles.
Des milliers de citoyens d'autres nationalités, mais aussi des Afghans menacés ou ayant travaillé pour les alliés, ont également été évacués par les puissances occidentales ou sont en attente d'exfiltration. L'Allemagne a ainsi aidé plus de 2500 personnes à partir et le Royaume-Uni plus de 5700.
Le gouvernement britannique a annoncé lundi qu'il allait plaider pour une prolongation des opérations d'évacuation à Kaboul au-delà du 31 août, à l'occasion d'un sommet virtuel du G7 consacré mardi à l'Afghanistan. Devant l'urgence de la situation, Washington a réquisitionné les avions de plusieurs compagnies aériennes privées.
Les images fortes de gens écrasés dans la mêlée, de jeunes hommes accrochés au fuselage d'un avion américain sur le départ ou de ce bébé passé à bout de bras au-dessus d'un mur à des soldats américains, ont fait le tour du monde.
Joe Biden a reconnu la douleur provoquée par la vision de ces scènes. Mais «il n'y a aucun moyen d'évacuer autant de gens, sans causer de peine ni de pertes, ni les images déchirantes que vous voyez», a-t-il estimé.
«Le calme dans tous les pays, sauf à l'aéroport»
Espérant toujours un miracle, des familles demeurent massées entre les barbelés qui entourent le périmètre séparant les talibans des troupes américaines et l'accès à l'aéroport reste très difficile.
M. Biden a expliqué que ce périmètre avait été étendu, avec l'accord des talibans. «Nous avons fait un certain nombre de changements, y compris en étendant l'accès autour de l'aéroport et dans la zone sécurisée» et les islamistes ont été «coopératifs», a-t-il déclaré.
Un haut responsable taliban, Amir Khan Mutaqi, a toutefois fait reposer dimanche la responsabilité du chaos à l'aéroport sur les Etats-Unis et prévenu que cela ne pourrait durer très longtemps.
«L'Amérique, avec toute sa puissance et ses équipements (...), n'est pas parvenue à ramener l'ordre à l'aéroport. Il y a la paix et le calme dans tout le pays, mais il n'y a que le chaos à l'aéroport de Kaboul (...) Cela doit cesser le plus tôt possible», a-t-il averti.
Dans le reste de la capitale, la situation demeurait en effet plutôt calme, des combattants talibans en armes patrouillant dans les rues et étant déployés à des postes de contrôle.
Si aucun gouvernement n'a encore été instauré, les discussions se poursuivant avec des personnalités afghanes pour y inclure d'autres factions, les talibans ont tout de même tenté d'affirmer leur autorité.
La résistance s'organise au Panchir
Ils ont ainsi remplacé sur tous les bâtiments publics le drapeau national tricolore par leur drapeau blanc, orné en noir d'une profession de foi islamique et du nom officiel de leur régime: l'Emirat islamique d'Afghanistan.
«Notre but c'est de diffuser le drapeau de l'Emirat islamique partout en Afghanistan», a déclaré ce week-end à l'AFP Ahmad Shakib, un étudiant en économie qui vendait des drapeaux talibans à un carrefour de Kaboul.
Les islamistes sont entrés le 15 août dans la capitale sans rencontrer de résistance, à l'issue d'une offensive éclair entamée en mai à la faveur du début du retrait des forces américaines et de l'Otan. Mais une poche de résistance s'est formée dans la vallée du Panchir, au nord-est de Kaboul, autour du Front national de résistance (FNR), emmené par Ahmad Massoud, fils du commandant Ahmed Shah Massoud assassiné en 2001 par Al-Qaïda, et d'Amrullah Saleh, vice-président du gouvernement déchu.
Les talibans ont affirmé lundi avoir encerclé les forces de la résistance dans le Panchir, mais privilégier la négociation aux combats. «L'Emirat islamique tente de régler pacifiquement cette affaire «, a déclaré sur Twitter un de leurs porte-parole, Zabihullah Mujahid.
Des soutiens de la résistance ont affirmé que les talibans avaient été stoppés par des embuscades, des informations difficiles à confirmer de manière indépendante à propos de cette région, un bastion antitaliban de longue date enclavé et difficile d'accès.
De son côté, un porte-parole du FNR, Ali Maisam Nazary, a dit à l'AFP que le Front se préparait à «un conflit de longue durée» avec les talibans, si aucun compromis ne pouvait être trouvé avec eux sur un système de gouvernement décentralisé.