Les forces de résistance armée en Afghanistan, qui se sont regroupées dans la vallée du Panchir, se préparent à «un conflit de longue durée» si elles ne parviennent pas à négocier d'abord avec les talibans, a déclaré leur porte-parole Ali Maisam Nazary dans une interview à l'AFP. Les talibans ont annoncé dimanche l'envoi de «centaines» de combattants vers cette vallée.
«Des centaines de moudjahidines de l'Emirat islamique se dirigent vers l'Etat du Panchir pour le contrôler, après que des responsables locaux ont refusé de le remettre de façon pacifique», ont indiqué les talibans sur leur compte Twitter en arabe.
Des photos prises par l'AFP lors d'exercices d'entraînement montrent des véhicules blindés rouler à travers la vallée. «Les talibans ne dureront pas s'ils continuent ainsi. Nous sommes prêts à défendre l'Afghanistan et nous mettons en garde contre un bain de sang», a déclaré dimanche Ahmad Massoud, fils du célèbre «commandant», à la chaîne Al-Arabiya.
En 1997, son père, Ahmed Shah Massoud, légendaire chef de guerre surnommé «Le lion du Panchir», avait fait sauter le tunnel de Salang, construit lors de l'invasion soviétique de l'Afghanistan (1979-1989), fermant ainsi la porte d'entrée de la vallée par le sud. Malgré de nombreuses tentatives, les talibans n'étaient jamais parvenus à s'emparer du Panchir.
Combattre ou trouver un refuge
Depuis la prise de pouvoir des talibans le 15 août, après une campagne militaire fulgurante, des milliers d'Afghans ont rejoint la vallée du Panchir, au nord-est de Kaboul, pour combattre le nouveau régime ou tout simplement pour trouver un refuge sûr et continuer leur vie, a expliqué Ali Maisam Nazary.
Là, Ahmad Massoud, fils du célèbre commandant Ahmed Shah Massoud, a rassemblé quelque 9000 hommes armés, selon Ali Maisam Nazary. Pour mémoire, le commandant a été assassiné le 9 septembre 2001 par Al-Qaïda, deux jours avant les attentats du 11-Septembre aux Etats-Unis.
Le Front national de résistance (FNR) a pour objectif d'éviter que plus de sang ne soit versé et de promouvoir un nouveau système de gouvernement. «La condition d'un accord de paix avec les talibans est la décentralisation, un système qui garantisse la justice sociale, l'égalité, les droits et la liberté pour tous», a déclaré Ali Maisam Nazary, en charge des relations extérieures du Front.
Mais si les talibans, qui avaient affirmé vendredi avoir reçu l'allégeance de Massoud, refusent un tel compromis, alors le FNR est prêt à s'engager dans «un conflit de longue durée».
Un combat défensif
Les talibans contrôlent la très grande majorité du pays, mais des milices sont apparues dans certains districts ces derniers jours, sont entrées en contact avec le FNR et ont commencé à résister aux islamistes, a souligné Ali Maisam Nazary. «Massoud n'a pas donné d'ordre en ce sens, mais elles nous sont toutes liées», a-t-il affirmé.
«Les talibans sont débordés. Ils ne peuvent pas être partout en même temps. Leurs ressources sont limitées. Ils n'ont pas le soutien de la majorité (de la population)», a-t-il ajouté.
Ali Maisam Nazary a concédé qu'Ahmad Massoud avait un point de vue différent de celui d'Amrullah Saleh, qui était vice-président du pays avant la prise de pouvoir par les talibans. Celui-ci a lui aussi trouvé refuge dans la vallée du Panchir et promis de leur résister coûte que coûte.
«Amrullah Saleh est dans le Panchir. Il a choisi de rester dans le pays et ne pas fuir», a observé Ali Maisam Nazary. Selon lui, Saleh est férocement opposé au Pakistan, qu'il accuse de continuer à soutenir les talibans, alors que Massoud souhaite conserver de bonnes relations avec Islamabad.
«Amrullah Saleh est anti-taliban et anti-pakistanais. Cela ne veut pas dire qu'il appartient à (notre) mouvement. Il est au Panchir et il est respecté. Le but en ce moment, c'est de défendre le Panchir et ses habitants», a repris Ali Maisam Nazary. «S'il y a la moindre agression, car notre combat n'est que défensif. Si quelqu'un nous attaque, nous nous défendrons nous-mêmes.»
Une «lueur d'espoir»
Outre les troupes de Massoud, le Panchir abrite aussi 1000 personnes déplacées venues de tout l'Afghanistan pour se réfugier dans la vallée, d'après Ali Maisam Nazary. «Nous voyons le Panchir devenir une zone sécurisée pour tous les groupes qui se sentent menacés dans les autres provinces», a-t-il ajouté. Parmi les personnes qui sont arrivées, figurent des intellectuels, des femmes et des défenseurs des droits humains, qui craignent d'être ciblés par les talibans.
Massoud a réclamé des armes aux Etats-Unis dans une tribune parue mercredi dans le Washington Post. Mais le Panchir a aussi besoin d'aide humanitaire pour nourrir et prendre soin de tous ceux qui viennent d'arriver, a souligné Ali Maisam Nazary.
Le jeune Massoud est déterminé à suivre les traces de son père et à défendre son peuple, a assuré Ali Maisam Nazary. Et d'estimer que l'avenir de l'Afghanistan repose sur un système fédéral de gouvernement, pour mettre fin à des décennies de guerre.
«La guerre n'est qu'un dérivé du conflit en Afghanistan. Ce qui a causé le conflit, c'est que l'Afghanistan est un pays fait de minorités ethniques (...) Et dans un pays multi-ethnique, vous ne pouvez pas avoir un groupe qui domine la politique et les autres qui ne sont représentés qu'à la marge.» Pour Ali Maisam Nazary, la résistance de Massoud et d'autres en Afghanistan est indispensable pour arriver à un tel changement. «Le Panchir a toujours été une lueur d'espoir».