Le candidat de l'opposition de gauche à la présidentielle uruguayenne, Yamandu Orsi, a remporté dimanche le second tour de l'élection présidentielle, selon les projections des chaînes de télévision, une victoire marquant le retour au pouvoir de la gauche de l'emblématique ex-président José Mujica.
Le candidat de centre-droit Alvaro Delgado a reconnu la victoire de son rival de gauche dimanche, lors d'un discours à ses partisans. «Aujourd'hui, le peuple uruguayen a choisi qui occupera la présidence de la République», a déclaré Delgado, un ancien vétérinaire issu du même Parti National de droite que le président sortant Luis Lacalle Pou, au pouvoir depuis 2020.
Il a dit «saluer» Yamandu Orsi au nom de «tous les acteurs de la coalition» gouvernementale qui l'ont soutenu au second tour. Son adversaire a remporté le second tour de l'élection présidentielle uruguayenne dimanche, selon les résultats officiels communiqués par la Cour électorale.
Pas de «changement radical»
Sur 94,4% des bulletins de vote dépouillés, Yamandu Orsi a obtenu 1'123'420 voix contre 1'042'001 pour Alvaro Delgado, selon le détail des résultats officiels. Cet ex-professeur d'histoire de la coalition de gauche Frente Amplio avait fini largement en tête du 1er tour le 27 octobre avec 43,9% des voix, devant Alvaro Delgado (26,8%) qui disposait cependant du réservoir de voix d'Andres Ojeda, du parti Colorado (centre droit), arrivé en troisième position (16%).
Après avoir voté, Yamandu Orsi a fait valoir qu'il avait la «capacité de gouverner» nécessaire pour promouvoir «les transformations dont le pays a besoin». «Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de conclure des accords.» Désormais actée, sa victoire n'augure toutefois aucun signe de changement de direction, le candidat de la gauche ayant promis «un changement sûr qui ne sera pas radical».
Pendant la campagne, les deux candidats ont insisté sur la relance de la croissance et la réduction du déficit budgétaire. Ils se sont engagés à ne pas augmenter la pression fiscale et ont promis de lutter contre la criminalité liée au narcotrafic en augmentation. Yamandu Orsi souhaite développer des échanges à l'échelle régionale, quand Alvaro Delgado penchait vers des accords multilatéraux.
Emploi et sécurité au coeur de la campagne
Si l'Uruguay affiche un revenu par tête élevé, ainsi que de moindres niveaux de pauvreté et d'inégalités par rapport au reste de l'Amérique du Sud, l'emploi et la sécurité ont été placés au centre des préoccupations des 3,4 millions d'habitants du pays aux 12 millions de têtes de bétail.
«Pour les salariés, ces cinq dernières années n'ont pas été bonnes du tout. Je suis dans la rue toute la journée, et ce qui m'inquiète le plus, c'est l'insécurité», confie Gustavo Maya, un vendeur de bonbonnes de gaz de 34 ans, électeur de Yamandu Orsi. «Je vois beaucoup de vols, de plus en plus d'homicides, et peu de policiers», dit-il.
Pour William Leal, tailleur de pierre de 38 ans et partisan de Delgado, le centre droit est le meilleur choix sur le thème de l'emploi. «Je veux que ce gouvernement reste parce que dans le secteur de la construction, il y avait beaucoup plus de travail que sous les gouvernements précédents», estime-t-il.
Pepe Mujica à la rescousse de la gauche
La gauche a misé sur sa figure tutélaire, José «Pepe» Mujica, l'ancien président (2010-2015) et ex-guérillero torturé et emprisonné sous la dictature (1973-1985), pour revenir au pouvoir après les années Tabaré Vazquez (2005-2010, puis 2015-2020) qui avaient mis fin à l'hégémonie de droite et de centre droit.
Malgré ses 89 ans, son combat contre le cancer et des difficultés à se déplacer, Pepe Mujica a multiplié les apparitions et meetings pour attirer le vote des jeunes et indécis qui semblaient détenir la clé du scrutin. Le président sortant Luis Lacalle Pou n'a pu se représenter malgré une cote de popularité de 50%, car la constitution interdit de briguer un second mandat consécutif.
Il a promis une transition «ordonnée» dans le pays le plus stable d'Amérique latine, avec des partis à la longue histoire, aux identités claires malgré leurs unions dans des coalitions et dont l'appartenance se transmet à l'intérieur même des familles. Des élections générales concomitantes du 1er tour ont vu le Frente Amplio remporter 16 des 30 sièges du Sénat et 48 des 99 sièges de la Chambre des députés.