Le Portugal se dote mardi d'un nouveau gouvernement de droite modérée dont la marge de manoeuvre sera aussi réduite que sa majorité parlementaire, prise en tenaille entre les socialistes sortants et une extrême droite en forte progression.
Luis Montenegro, qui a remporté de justesse les législatives du 10 mars dernier, et ses 17 ministres doivent prêter serment sous le regard du président de la République, le conservateur Marcelo Rebelo de Sousa, lors d'une cérémonie prévue à partir de 17H00 GMT.
L'entrée en fonction du nouvel exécutif marque la fin de huit années de gouvernements socialistes dirigés par Antonio Costa, qui a démissionné début novembre et renoncé à briguer un autre mandat après avoir été cité dans une enquête pour trafic d'influence.
Un gouvernement minoritaire
Son successeur, avocat de formation et parlementaire chevronné âgé de 51 ans, a dévoilé jeudi dernier la composition de son équipe, pour laquelle il a placé aux postes clés des responsables politiques aguerris, mais sans expérience gouvernementale, comme lui.
Luis Montenegro et son Alliance démocratique (AD) ont obtenu une très courte victoire aux élections du mois dernier, avec 28,9% des voix et 80 sièges, contre 28% et 78 élus pour le Parti socialiste (PS).
Loin d'une majorité absolue d'au moins 116 députés, il a décidé de former un gouvernement minoritaire sans négocier le soutien du parti antisystème Chega (Assez), qui a renforcé son rang de troisième force politique du pays en passant de 12 à 50 députés avec 18,1% des voix.
Le nouveau chef du gouvernement s'est engagé tout au long de la campagne à ne pas s'appuyer sur la formation fondée en 2019 par André Ventura, un professeur de droit qui a acquis une notoriété en tant que polémiste sur les plateaux de télévision consacrés au football.
Chega en arbitre
Depuis les législatives, le président de Chega n'a cessé de se dire prêt à discuter avec Luis Montenegro d'un «accord de gouvernement» qui garantirait la stabilité du nouvel exécutif, tout en menaçant de lui faire obstacle s'il refusait d'entamer des discussions en ce sens.
La fragmentation du nouveau Parlement a déjà failli provoquer une impasse la semaine dernière, à l'occasion de l'élection de son président: après une volte-face de Chega, l'Alliance démocratique a dû se tourner vers le PS pour placer son candidat au perchoir.
Le prochain écueil sur la route de Luis Montenegro sera la présentation de son programme de gouvernement, un document qui sera remis et débattu au Parlement la semaine prochaine. Son rejet impliquerait la chute de l'exécutif, mais ce scénario a déjà été écarté par le patron des socialistes, Pedro Nuno Santos. Les mesures du programme seront tout de même examinées à la loupe, car elles donneront une idée du cap choisi par Luis Montenegro.
«Être populaire ou responsable»
«Etre populaire ou responsable», telle est la question qui se pose au nouveau Premier ministre, selon la directrice du quotidien économique Jornal de Negocios, Diana Ramos.
Alors qu'il hérite d'un excédent budgétaire historique de 1,2% du PIB, «toute hausse permanente des dépenses, que Luis Montenegro pourra se sentir poussé à décider pour garantir la survie politique de son exécutif, sera toujours une très mauvaise affaire pour les Portugais», écrivait lundi l'éditorialiste.
En clair, le gouvernement pourra être tenté d'accepter les revalorisations salariales de certaines catégories de fonctionnaires, comme les forces de l'ordre ou les enseignants, pour prendre l'avantage sur l'opposition et dissuader les socialistes et l'extrême droite de faire cause commune pour provoquer de nouvelles élections dans six mois.
Car si le président ne peut pas dissoudre le Parlement avant l'automne, Luis Montenegro n'a toujours pas expliqué comment il comptait faire adopter le budget de l'Etat pour 2025, indispensable à la mise en oeuvre de son programme.
(AFP)