Donald Trump a annoncé mardi au côté de Benjamin Netanyahu que les Etats-Unis allaient «prendre le contrôle de la bande de Gaza» et que deux millions de Palestiniens seraient contraints de quitter le territoire. Cette annonce a suscité un véritable tollé international. Mais moins de 24 heures plus tard, l'administration américaine s'est efforcée de nuancer sa proposition.
Après un déluge de critiques internationales, le secrétaire d'Etat Marco Rubio a affirmé que tout transfert des Gazaouis serait temporaire. Donald Trump veut «reconstruire les bâtiments» afin que «les gens puissent y retourner», a-t-il dit. La présidence des Etats-Unis a elle indiqué que Donald Trump ne s'était pas engagé «pour l'instant» à envoyer des troupes à Gaza.
Mercredi, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, semblait carrément rétropédaler. Les Etats-Unis «ne financeront pas la reconstruction de Gaza», a-t-elle affirmé devant des journalistes. L'administration américaine va travailler avec ses «partenaires dans la région pour reconstruire» Gaza, a-t-elle ajouté.
Un simple coup de bluff?
Une question se pose dès lors: Donald Trump a-t-il tout simplement bluffé? De l'injection de désinfectant pour vaincre le Covid à la prise de contrôle de Gaza, Donald Trump aime depuis longtemps lancer des suggestions farfelues face aux problèmes qui secouent le monde. Une fois de plus, la question est de savoir s'il est sérieux.
Face à l'imprévisibilité du président américain, ses détracteurs en perdent souvent leur latin. Est-il en train de formuler une proposition sérieuse, de bluffer pour prendre le contrôle d'une négociation, ou simplement de faire diversion?
Son nouveau plan pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien en livre une nouvelle illustration. L'idée de voir les Etats-Unis «prendre le contrôle» du territoire palestinien, qu'il s'imagine transformer en «Côte d'Azur du Moyen-Orient», suscite la sidération d'une bonne partie du globe.
«Le but est le spectacle»
«Le président Trump s'est construit une carrière de showman surdimensionné», observe auprès de l'AFP Peter Loge, directeur de l'Ecole des médias et des affaires publiques de l'université George Washington. «Le but est le spectacle, la réalité passe souvent au second plan.»
Sa rhétorique ne connaît de toute façon jamais l'échec, pointe-t-il. Les déclarations chocs ne débouchant sur rien sont présentées «comme une blague ou une tactique de négociation». Mais «lorsque son plan hasardeux fonctionne, il prétend être un génie».
Adepte du choc permanent, le tribun de 78 ans a fait des hypothèses farfelues sa marque de fabrique. Au cours de son premier mandat, pendant la pandémie, il a suggéré de lutter contre le Covid-19 grâce à des injections de «désinfectant», ou en utilisant «un énorme ultraviolet».
Rétropédalage sur Gaza
En campagne l'an dernier, il jurait pouvoir mettre fin à la guerre en Ukraine en l'espace de 24 heures après son retour à la Maison Blanche. Et depuis qu'il occupe à nouveau le Bureau ovale, il menace de s'emparer du Groenland et du Canal de Panama, par la force si besoin.
Son plan pour Gaza, qui impliquerait le déplacement forcé de deux millions de Palestiniens, a provoqué un tollé international. Moins de 24 heures après son annonce, la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a semblé mercredi rétropédaler.
Les Etats-Unis «ne financeront pas la reconstruction de Gaza» et n'envisagent pas pour l'instant d'y envoyer des troupes américaines, a-t-elle précisé. Le déplacement des Palestiniens serait aussi «temporaire». Mais elle a défendu la capacité du président à «sortir des sentiers battus».
«Personne ne sait à quoi s'en tenir avec lui»
«Vous allez droit au but. Vous voyez des choses que d'autres refusent de voir», avait salué la veille le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, à l'attention de Donald Trump. «Et une fois que leur mâchoire a décroché, les gens se grattent la tête et se disent: 'il a raison, vous savez'.»
L'opposition des autres acteurs clés de la région - Jordanie, Egypte, Arabie Saoudite - reste toutefois entière, remarque Mirette Mabrouk, experte de l'Institut du Moyen-Orient. «Cette idée n'est ni sensée, ni réalisable», explique-t-elle à l'AFP, en rappelant que M. Trump n'a jamais exécuté sa menace de «prendre le pétrole» de l'Irak lors de son premier mandat.
«Mais la vérité, c'est que personne ne sait» à quoi s'en tenir avec lui, reconnaît-elle. L'ex-magnat de l'immobilier reste un fervent adepte du bluff pour tester des idées radicales. L'an dernier, il a estimé que «Gaza pourrait être mieux que Monaco». Son gendre Jared Kushner a également souligné que l'enclave regorge de «propriétés en front de mer qui pourraient être très précieuses».
Des annonces servant de diversion
Relevés par la presse, ces commentaires n'avaient pas été pris au sérieux. Le président «semble prendre son expérience des affaires et tenter de l'utiliser en politique», reprend Mirette Mabrouk. «Parfois, cela fonctionne. Nous venons de le voir avec la bataille sur les droits de douane», remarque-t-elle, après que le Canada et le Mexique ont accepté de renforcer leurs contrôles frontaliers pour éviter une guerre commerciale avec les Etats-Unis.
Qu'ils aboutissent ou non, les projets osés de Trump pour Gaza, le Groenland ou le Panama servent aussi de diversion auprès des Américains, selon elle. Car ils l'ont surtout élu pour lutter contre l'inflation. «Il y a eu ces grandes déclarations internationales. Mais en réalité, rien de tout cela ne contribue à faire baisser le prix des oeufs», conclut-elle.