Kamala Harris devra vaincre deux machos endurcis si elle veut accéder au pouvoir, puis incarner le leadership américain dans le monde. Le premier se nomme bien sûr Donald Trump, candidat déjà désigné par le Parti républicain pour la présidence des États-Unis. Le second est Vladimir Poutine.
Le président russe n’a jamais hésité à mettre en scène sa virilité. Lui et Trump se préparent, sans le dire publiquement, à négocier le sort de l’Ukraine si l’ancien locataire de la Maison-Blanche revenait aux commandes de son pays. Or voilà que Kamala, 59 ans, née d’un père jamaïcain et d’une mère indienne, pourrait faire dérailler leurs plans de mâle alpha XXL.
A lire sur Kamala Harris
Le choc annoncé entre Kamala Harris et Donald Trump le 5 novembre est disséqué sous toutes les coutures. Chacun y va de son appréciation sur les forces et les faiblesses de l’un et de l’autre. Avec, pour le moment, toujours un avantage pour Trump, rescapé d’une tentative d’assassinat et dopé par l’incroyable succès de la Convention de Milwaukee.
Face à Poutine
Mais quid d’un éventuel choc Kamala-Vladimir? Que pourrait donner leur confrontation? On se souvient des trois heures et demie d’échanges, huit mois avant l’assaut russe contre l’Ukraine, entre Joe Biden et son homologue russe à Genève, le 16 juin 2021. Kamala Harris proposera-t-elle au Kremlin, si elle était élue, de renouveler l’expérience sur les bords du lac Léman? Ou, assisterait-on au contraire, sous sa présidence, à une accélération du retrait américain d’Europe pour se concentrer sur cette région du monde avec laquelle elle entretient des liens familiaux: l’Asie?
Pour le moment, les dirigeants européens se taisent. Ils sont, eux aussi, pris au dépourvu par le retrait de Joe Biden, même si beaucoup jugeaient sa situation intenable. Pour la plupart des Chefs d’État ou de gouvernement de l’Union européenne par exemple, leur seule interaction avec l’actuelle vice-présidente américaine est intervenue au Forum économique mondial de Davos, ou à la conférence annuelle sur la sécurité de Munich. Fait notable: ses derniers échanges avec des leaders européens ont à nouveau eu lieu en Suisse, au sommet sur la paix du Bürgenstock, à la mi-juin.
La conférence de Munich
À Munich, où elle s’est rendue en février 2022 (juste avant l’invasion russe) puis en 2024, l’intéressée avait plaidé pour que «l’aide à l’Ukraine ne soit pas prise en otage par les jeux politiques américains», alors que le paquet de 60 milliards de dollars d’assistance civile et militaire se trouvait bloqué par les républicains trumpistes au Congrès. Quoi d’autre? Pas grande chose. «Dans les milieux diplomatiques, Kamala Harris n’est pas jugée présidentiable. Ce n’est pas irrémédiable. Elle peut s’appuyer sur l’administration Biden. Mais qui, aujourd’hui, parierait sur elle face à Vladimir Poutine ou Xi Jinping?»
A lire sur la guerre en Ukraine
L’influent média en ligne américain Politico a, dans son édition européenne publiée à Bruxelles, renchéri dans la suspicion ce mercredi. «En Europe, les politiciens et les fonctionnaires centristes ne sont pas encore convaincus que Mme Harris peut battre le républicain Donald Trump. Pour une grande partie de Bruxelles, Mme Harris a été «invisible» pendant son mandat. Certains le disent ouvertement.»
Un argument souvent entendu est le peu d’expérience internationale de l’ancienne procureure générale de Californie. Lorsqu’elle était au Sénat de 2017 à 2021, sa présence au sein de la Commission des Affaires étrangères (longtemps présidée par Joe Biden) a surtout été marquée par ses prises de position sur l’immigration, sur les droits de l’homme, puis sur les questions liées au COVID, alors que la pandémie faisait son apparition aux États-Unis.
Elle n’a jamais visité l’Ukraine
Un fait est marquant: alors qu’elle aurait pu suppléer à un Joe Biden fatigué, Kamala Harris ne s’est encore jamais rendue en Ukraine, même si elle a rencontré le président ukrainien Volodymyr Zelensky à six reprises. Ella a en revanche toujours soutenu l’OTAN et les responsabilités des États-Unis au sein de l’Alliance. «Notre engagement à construire et à maintenir des alliances a aidé l’Amérique à devenir le pays le plus puissant et le plus prospère du monde… Il serait insensé de mettre tout cela en péril» a-t-elle déclaré à la chaîne NBC.
Avant de s’en prendre à Trump, lorsque celui-ci avait réclamé de ses alliés une augmentation de leurs dépenses militaires, faute de quoi il pourrait décider de les abandonner à l’ours Russe: «Je rejette l’idée que l’ancien président des États-Unis puisse dire qu’il encourage un dictateur brutal à envahir nos alliés, et que les États-Unis d’Amérique restent simplement là à regarder. Aucun président américain précédent, quel que soit son parti, ne s’est incliné devant un dictateur russe auparavant. C’est quelque chose que je crois simplement que le peuple américain ne soutiendrait jamais.»