Les clés de la Maison Blanche s'obtiennent avec un message clair, condensé en quelques mots. George W. Bush avait promis de réduire les impôts et Barack Obama voulait renforcer l'image des États-Unis dans le monde. Donald Trump, lui, avait son slogan: «America First!» Et celui de Joe Biden, «Battre Trump», avait permis de l'emporter face au républicain.
Désormais, c'est la vice-présidente Kamala Harris qui veut pousser les portes de la Maison Blanche. Mais il lui manque un message fort et les défis qu'elle devra relever dans les prochaines semaines sont conséquents.
Il y a quatre ans, sa candidature a échoué parce qu'elle n'avait pas de thème captivant. On la cerne mal et sa réputation d'opportuniste lui colle à la peau. D'autant plus qu'elle n'a siégé que quatre ans au Sénat, avant de défendre loyalement la politique de Joe Biden en tant que vice-présidente.
Sur Kamala Harris
Une fille d'immigrés
Kamala Harris est née en 1964 à Oakland, dans l'État de Californie, d'un père jamaïcain et d'une mère indienne, tous deux immigré aux États-Unis. Elle a étudié les sciences politiques et le droit, puis a servi comme procureur de San Francisco et de Californie. Très vite, elle s'attaque à Wall Street, poursuivant notamment en justice de grandes banques comme JPMorgan Chase et la Bank of America. Ses attaques contre la haute finance alimentent les diatribes des républicains, qui la présentent comme une gauchiste radicale. Mais ce n'est pas tout.
Sur le plan politique, tout oppose Kamala Harris à Donald Trump – notamment sur les armes et le droit à l'avortement. Alors que le républicain veut réduire les impôts et assouplir les règles pour les entrepreneurs, Harris prévoit des impôts encore plus élevés que ceux de Joe Biden. Nombre d'entrepreneurs de la Silicon Valley se tournent ainsi plutôt vers Donald Trump.
De grandes divergences les opposent également en ce qui concerne la politique énergétique. Kamala Harris mise sur les énergies renouvelables et souhaite interdire l'extraction de pétrole par pression dans le schiste et le sable. Donald Trump souhaite au contraire accélérer les extractions aux États-Unis.
Et quand la démocrate mise sur des alliances militaires mondiales, le républicain souligne de son côté qu'il ne veut plus faire la guerre pour d'autres pays. En revanche, les adversaires ont tous deux réussi accaparer le vote féminin: lui, les conservatrices. Elle, les libérales.
Les attaques des républicains ont déjà commencé
Quelques heures après le retrait de Joe Biden de la course à la présidence, les républicains ont commencé les attaques contre Kamala Harris autour de trois sujets: d'abord, elle serait responsable de la situation à la frontière avec le Mexique et aurait provoqué le chaos dans le pays, selon Trump. Ensuite, elle aurait aidé à dissimuler la sénilité de Joe Biden. Enfin, les républicains lui reprochent de ne pas avoir lutté assez efficacement contre la criminalité en Californie.
Des arguments qui font mouche dans les Etats-clés – «swing states» –, comme le Michigan, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Une grande inconnue demeure par ailleurs: comment Harris sera-t-elle accueillie dans le «Heartland», soit l'intérieur du pays, blanc, conservateur et fervent défenseur du port d'armes? En clair, là où se joue l'élection. Selon les sondages, la Californienne est moins appréciée en Pennsylvanie que Joe Biden, qui y a grandi.
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Il reste donc quatre semaines à Harris avant la convention de son parti pour se présenter aux habitants du pays et pour trouver un message percutant qui aille au-delà des préoccupations démocratiques traditionnelles – mais qui intègre des préoccupations éloignées du petit électorat urbain.
Voici toute sa faiblesse par rapport à Donald Trump, considéré comme un politicien instinctif, un homme qui comprend sans trop réfléchir ce qui touche les gens. La Californienne, elle, écoute, analyse et attend... avant de prendre une décision.
Les démocrates resserrent les rangs
Seule consolation pour la démocrate: dès les premières heures après le retrait de Joe Biden, les démocrates ont resserré les rangs derrière elle. Et personne n'a osé la défier ou la mettre en doute publiquement jusqu'à présent.
Seul l'ancien président Obama ne lui a pas apporté de soutien public et souhaite respecter le processus démocratique. Le parti doit à présent trouver un moyen de désigner leur candidate, sans ignorer les primaires. Reste à savoir si cela se fera dès la première semaine d'août, ou si le parti attendra la convention de Chicago. D'ici là, Kamala Harris doit dynamiser son parti.
Depuis le retrait de Joe Biden, le parti a récolté plus de 50 millions de dollars de dons. Cela suffira-t-il? Pas si sûr. D'autant que le président américain peine à rattraper Donald Trump dans les sondages depuis plus d'un an – non pas à cause de son âge ou du duel télévisé, mais parce que l'inflation a explosé sous le mandat du démocrate, parce que l'immigration incontrôlée continue d'effrayer les Américains... et surtout parce que les guerres en Ukraine et au Proche-Orient continuent d'être financées avec l'argent du contribuable américain. En clair, Donald Trump a des arguments quand il qualifie Kamala Harris de «copilote de l'échec monstrueux de Biden». Quant à cette élection, elle n'est désormais plus aussi ennuyeuse qu'on ne le craignait.