Solidarité européenne
Peut-on faire confiance à l'Allemagne de Friedrich Merz?

Le plan de relance allemand approuvé par la future coalition au pouvoir à Berlin est une chance pour l'Europe. Mais le nouveau chancelier Friedrich Merz résistera-t-il aux injonctions de Donald Trump, si les crispations transatlantiques virent à la crise ouverte?
Publié: 14.04.2025 à 17:21 heures
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Friedrich Merz sera investi, le 6 mai, comme nouveau chancelier de l'Allemagne fédérale.
Photo: IMAGO/HMB-Media
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Richard WerlyJournaliste Blick

Friedrich Merz prendra les commandes de l'Allemagne le 6 mai prochain. Ce jour-là, la veille des commémorations du 80e anniversaire de la libération de l’Europe du joug nazi, le nouveau chancelier chrétien-démocrate (droite) sera investi par un vote au Bundestag. Alors que le programme de sa coalition avec le SPD (parti social-démocrate) a été dévoilé la semaine dernière.

La question, désormais, est de savoir si l’Allemagne fédérale version Merz va tenir toutes ses promesses. Un plan de relance de 500 milliards d’euros est par exemple sur la table. La volonté de défendre une souveraineté européenne face aux Etats-Unis l’est aussi. Alors, peut-on faire confiance à notre grand voisin, première économie de l’Union européenne?

Elle peut payer

La première réponse à cette question est financière (et positive): l’Allemagne a les moyens de ses ambitions. Son plan de relance de 500 milliards d’euros marque une rupture avec la politique budgétaire stricte qui a prévalu ces dernières décennies. Finie, la prudence en matière de finances publiques? Oui, puisque le fameux frein constitutionnel à l’endettement a été abandonné le 18 mars, par le vote requis de deux tiers des députés au Bundestag. 

Le texte comprenait trois volets, nécessitant chacun une modification de la Constitution: un assouplissement du «frein à la dette»; une autorisation d’emprunter pour les Länder et, enfin, la création du fonds spécial de 500 milliards sur douze ans, destiné à financer les infrastructures et à en finir avec la récession qui paralyse le pays depuis deux ans. Le tiroir-caisse allemand est donc ouvert et c'est une bonne nouvelle.

Elle est fâchée

S'interroger sur l’Allemagne en 2025 revient aussi à poser la question des relations entre ce pays et les Etats-Unis, son protecteur traditionnel depuis 1945. Or là, tout devient plus compliqué. Le nouveau chancelier, qui dirigeait avant de revenir en politique le fonds spéculatif Blackrock dans son pays, a plusieurs fois déploré l’attitude de Donald Trump. 

Pour lui, l’Allemagne doit se préparer «au pire scénario»: celui d’un retrait du bouclier américain. Réalité confirmée ces derniers jours par l’annonce du départ de l’US Army de l’aéroport polonais de Jasionka, à 70 kilomètres de la frontière ukrainienne, véritable plaque tournante du soutien militaire à l’Ukraine. Ce, alors que le soutien de Merz au gouvernement de Kiev est officiellement sans faille. 

Sauf que le calendrier va bientôt se transformer en épreuve de vérité. Berlin va se retrouver aux premières loges des discussions sur la défense, avant le sommet de l’OTAN à La Haye, les 24 et 25 juin. Berlin est aussi très exposé par rapport à la Chine, ce client si lucratif pour les produits «Made in Germany».

Alors, quelle politique au final? En 2020, un sondage indiquait que 37% des Allemands jugeaient la relation avec l’Empire du milieu plus importante que celle avec les Etats-Unis (37%). Plus révélateur encore: 46% des moins de 35 ans estimaient «bien plus utile» d’entretenir de bonnes relations avec Pékin qu'avec Washington (35%). Une preuve du grand retournement possible?

Elle a un nouveau chef

Troisième élément de réponse, quand il s’agit de jauger la détermination de l’Allemagne à faire peau neuve sur le plan économique et diplomatique: la personnalité du chancelier et la nature de sa coalition gouvernementale à deux partis.

Friedrich Merz, 69 ans, arrive en effet au pouvoir dans un contexte blessant pour ce pur produit de la CDU, le parti chrétien-démocrate historiquement pro-américain. A la conférence sur la sécurité de Munich, les 14 et 15 février dernier, le soutien public apporté, en pleine campagne électorale, au parti d’extrême droite AFD par le vice-président américain JD Vance, l’a profondément choqué. Reste que son parcours s’est toujours fait à l’ombre de Washington.

L’homme est en effet un atlantiste pur et dur. Il a présidé pendant dix ans l’Atlantik-Brücke, une association qui promeut les relations entre l’Allemagne et les Etats-Unis. Il a toujours défendu une approche libérale de l’économie et aime citer cette phrase de Ronald Reagan: «Les neuf mots les plus terrifiants de la langue anglaise sont: je suis du gouvernement et je suis là pour vous aider.». Ce qui présage des débats houleux avec la France d’Emmanuel Macron, qui soutient l’appel à une Europe souveraine.

Elle est divisée

Sa coalition gouvernementale est la seconde partie de l’équation. Les chrétiens-démocrates de centre-droit (CDU), leur parti frère, l’Union chrétienne-sociale (CSU), et les sociaux-démocrates de centre-gauche (SPD) sont parvenus à un accord pour former un gouvernement 45 jours après les élections fédérales anticipées en Allemagne. 

La thérapie économique annoncée – avec une profonde réforme de la protection sociale, la volonté de transformer l’Allemagne en un pays moderne et numérique, et la mise en place d’un arsenal de mesures répressives sur l’immigration – risque néanmoins de rendre les débats houleux.

Les écologistes, qui ont soutenu le plan de relance de 500 milliards d’euros parce que 100 milliards seront consacrés à la transition verte, restent en embuscade, tandis que l’extrême droite, arrivée en seconde position aux législatives du 23 février, fourbit déjà ses armes pour la prochaine campagne électorale. L’Allemagne de Friedrich Merz est en train de rebattre les cartes européennes et il n’est pas sûr qu’elle a dans sa manche tous les atouts gagnants.

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