Le travail de la Commission d'étude de la politique de sécurité a mieux commencé cette année qu'il ne s'était terminé l'année dernière. Et pour cause: fin 2023, Christian Catrina, le cadre retraité du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) et responsable du rapport de la commission, a jeté l'éponge.
Depuis, l'organe composé de personnalités de haut niveau s'est remis à la tâche. La semaine dernière, les experts se sont réunis et ont discuté d'un projet de rapport qui devrait être disponible d'ici cet été. C'est une philosophe de la «NZZ», Katja Gentinetta, qui a remplacé Christian Catrina en qualité de responsable du rapport de commission.
Des conclusions alarmantes
Une partie du projet a été mise à la disposition de Blick. Les informations qu'elle contient sont, pour une partie d'entre elles, alarmantes. «La pression migratoire sur l'Europe augmente. Les radicalisations au sein de la société deviennent visiblement plus brutales, notamment en raison de la prise de parti dans le conflit du Proche-Orient, qui se manifeste également par l'augmentation des activités antisémites», indique le document confidentiel. «Les conséquences économiques mondiales dues à la menace sur les voies commerciales peuvent prendre des proportions graves, notamment pour l'économie ouverte de la Suisse.»
Moscou et Gaza en tête des préoccupations
Selon ce document, le plus grand danger vient de Moscou. «La Russie a annoncé un doublement des dépenses militaires pour 2024 et a converti le pays à l'économie de guerre», constate le rapport. L'Ukraine reste dépendante du soutien de l'Occident. Quant à l'issue des élections américaines, elle reste extrêmement incertaine. Le candidat revenant Donald Trump affirme qu'il sera capable de mettre fin à la guerre en Ukraine en 24 heures. Les observateurs s'attendent à ce que le républicain soit prêt à un compromis avec Poutine, quitte à sacrifier les intérêts de l'Ukraine.
Le conflit au Proche-Orient est également une préoccupation centrale de l'Occident. Selon les conclusions de la Commission, Israël mène la guerre sur plusieurs fronts: le Hamas sévit dans la bande de Gaza, le Hezbollah libanais menace depuis le nord et les rebelles Houthis sont remontés dans le sud.
L'économie mondiale pourrait fortement souffrir des nombreuses attaques contre les navires marchands dans le Golfe d'Aden. «Des efforts préventifs de la part de la communauté internationale, par exemple un groupe de contact des pays environnants – comme à l'époque pour les guerres des Balkans – sont importants», souligne le groupe d'experts.
Pas d'attaque attendue sur Taïwan
La Chine envahira-t-elle Taïwan d'ici 2027, comme certains experts en sécurité le prétendent depuis des années? Pour le comité d'étude, cette éventualité reste peu probable. Taïwan est le leader mondial des semi-conducteurs. Une escalade aurait de «graves conséquences économiques mondiales». Pour l'Europe, mais aussi pour la Suisse, il est fondamental «que les Etats-Unis, qui se concentrent sur la région du Pacifique, ne négligent pas l'Ukraine et l'Europe occidentale».
La commission d'étude porte également un regard inquiet sur les Balkans occidentaux: «Les tensions entre la Serbie et le Kosovo augmentent: la rhétorique politique, les explosions de violence et les attaques contre les troupes de la Kfor en sont un signe.»
Déclin progressif de l'État en Afrique
Autre conclusion: pour l'heure, aucune solution ne semble être d'actualité dans le conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie: «Malgré les efforts, un traité de paix n'est pas encore en vue. L'Arménie souhaite se détacher davantage de la Russie, et l'Europe est également intéressée par une diminution de l'influence de la Russie.»
Reste à savoir ce qu'il adviendra de la situation en Afrique. Pour les experts, l'influence de la Russie et de la Chine augmente, alors que celle de l'Occident diminue. «La désintégration rampante de l'État en Afrique de l'Ouest, centrale et orientale entraîne notamment la propagation de groupes terroristes islamistes et une migration accrue vers le nord de l'Afrique et de là vers l'Europe», écrit la Commission.
L'Afrique, et des pays du Sud global, critiquent la politique «deux poids deux mesures» de la part de l'Occident, notamment «le fait que l'on exige beaucoup plus de solidarité en cas de guerre en Europe qu'en cas de guerre dans le Sud global».