Plan annoncé à Bruxelles
Avis à la Suisse, c'est aujourd'hui que l'Europe se réarme!

Le livre blanc européen sur la défense est présenté ce mercredi 19 mars à Bruxelles. Objectif: mettre sur pied une industrie militaire capable de réarmer le vieux continent. La Suisse sera partie prenante.
Publié: 19.03.2025 à 10:03 heures
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Dernière mise à jour: 19.03.2025 à 12:14 heures
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L'industrie militaire suisse dépend des futures commandes européennes.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ce mercredi 19 mars restera peut-être dans l’histoire comme le jour le plus long de l’histoire de la défense européenne. Pourquoi? Parce qu'il faut répondre aux menaces que continuent de faire peser sur l'Ukraine les négociations directes, par téléphone, entre Donald Trump et Vladimir Poutine, pour l’heure assez peu fructueuses. Et aussi parce que l'architecture de sécurité basée sur l'OTAN (y compris pour la Suisse, partenaire de l'Alliance atlantique dominée par les Etats-Unis) perd à vitesse grand V sa crédibilité.

C’est donc à Bruxelles que tout va se jouer, avec la présentation par le nouveau Commissaire à la défense, Andrius Kubilius, d’un «livre blanc» très attendu sur la transformation de l’industrie militaire à l’échelle des 27 pays de l’Union européenne et de leurs partenaires, dont la Suisse fait partie. Point important pour Berne: la Confédération est mentionnée noir sur blanc comme l'un des partenaires potentiels pour cette défense européenne consolidée. 

Des chars, des avions, des canons

L’objet de ce «livre blanc» n’est pas de compter les chars, les avions, les canons et les divisions capables d’être envoyés en Ukraine pour garantir un (toujours) hypothétique cessez-le-feu, comme continue de l’envisager le président français Emmanuel Macron. Il s’agit de produire, de financer, de commander et d’équiper. Le Livre Blanc de la Commission doit, selon la lettre d’information La Matinale européenne «identifier les efforts à mener, les lacunes à combler et les financements à trouver».

Point très important: la défense et les questions militaires ne sont pas, selon les Traités européens, du ressort de l’exécutif communautaire. Chaque pays membre est responsable de son budget et de son armée. Sauf qu’il n’y a pas d’autres solutions que de produire et de commander ensemble, pour atteindre la masse critique en termes d’investissements.

800 milliards d’euros

Deux chiffres sont pour le moment sur la table. Le premier est 800 milliards d’euros. C’est le montant qu’il faut injecter dans la future «économie de guerre européenne» selon la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. L’ancienne ministre allemande de la Défense a lâché ce montant le 4 mars, lors de la présentation de son plan «Rearm EU», validé par un sommet extraordinaire des 27 pays membres de l’Union le 6 mars. 800 milliards d’euros pour faire au plus vite avancer des projets décisifs tels que l’avion du futur (deux projets concurrents existent, le SCAF franco-allemand-espagnol, et le GCAP entre l’Italie, le Royaume-Uni et le Japon), le char du futur MGCS franco-allemand, et assurer par exemple un saut qualitatif dans la fabrication de drones, dont l’armée ukrainienne est aujourd’hui le champion européen.

Problème: ces 800 milliards demeurent fictifs. Il faudra les emprunter. Comment? En recourant à un «bazooka» budgétaire similaire à celui que l’Allemagne vient d’adopter mardi 18 mars, avec l’approbation par le Bundestag d’une réforme historique de son frein à l’endettement.

Prêts européens

Le second chiffre, plus immédiat, est celui de 150 milliards d’euros. Il s’agit de prêts aux gouvernements nationaux par l’Union européenne, accompagnés d’une réorientation de fonds s’aide structurels non dépensés. Mais attention, et c’est là que la Suisse – aussi neutre soit-elle – se retrouve concernée: le format à 27 n’est pas le bon pour avancer en matière de défense et d’industrie militaire. D’abord parce que deux pays de l’Union, la Hongrie et la Slovaquie, sont dirigés par des gouvernements ouvertement proches de la Russie. Ensuite parce que des pays partenaires, comme le Royaume-Uni, la Norvège, la Turquie et la Confédération sont indispensables sur le plan financier ou industriel. On pense aussi à associer le Canada, le Japon ou la Corée du Sud. C’est dire…

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Pourquoi ce plan bruxellois présenté ce mercredi 19 mars est essentiel? Parce qu’il doit faire l’inventaire de ce qu’il est nécessaire et possible de produire ensemble. Et le plus vite possible. Chaque année les Européens dépensent 50 milliards d’euros pour des armements et des équipements américains, notamment les avions de combat F-35, achetés par l’Allemagne, la Suisse, le Danemark, la Belgique, les Pays-Bas ou le Portugal (qui a annoncé son intention de revoir le contrat).

Comme face au Covid-19

La Commission européenne doit faire comme lors de la pandémie de Covid-19: fédérer les demandes d’achat, identifier les sites de production, proposer des partenariats même si les industriels de la défense sont traditionnellement rivaux. L’industrie de la défense helvétique doit absolument s’intégrer dans ce futur programme de commandes publiques européennes si elle veut perdurer.

«Ceux qui achètent des batteries antimissiles Patriot, il faut leur proposer le SAMP/T franco-italien de la nouvelle génération, a déclaré Emmanuel Macron. Ceux qui achètent du F-35, il faut aller leur proposer du Rafale. C’est comme ça qu’on va accroître, à coup sûr, la cadence». La Suisse, non-membre de l’UE, s’était alors retrouvée intégrée dans les commandes de vaccins anti-covid, via le site de production de Moderna en Valais.

Un catalogue très attendu

Que va répondre Andrius Kubilius, ancien premier ministre de Lituanie, l’un des pays baltes les plus visés par la menace de la Russie? L’on attend surtout de lui un catalogue. Des réunions ont été organisées par la Commission avec les industriels dans plusieurs pays clés. Selon La Matinale européenne, l’avis va donc être mitigé.

«Bien que certaines entreprises de défense de l’UE soient compétitives au niveau mondial, la base industrielle de défense de l’UE dans son ensemble présente des faiblesses structurelles. Actuellement, l’industrie de la défense européenne n’est pas en mesure de produire les systèmes et équipements de défense dans les quantités et à la vitesse dont les États membres ont besoin. Elle reste fragmentée avec des acteurs nationaux dominants desservant de petits marchés nationaux» expliquent les auteurs du Livre Blanc.

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