Volodymyr Zelensky n’a, devant lui, que des mauvais choix. C’est ainsi. Après deux années de guerre, l’homme qui incarne depuis le 24 février 2022 la résistance de son pays et de son peuple se retrouve le dos au mur. Du point de vue de l’aide militaire et financière, la question reste posée aux États-Unis, où l’approbation du Sénat bute encore sur le refus de la Chambre des représentants dominée par les Républicains pro-Trump.
En Europe, l’enveloppe de 50 milliards d’euros promise par l’Union européenne pour 2024-2027 a été acceptée à l’arrache, après des semaines d’obstruction de Viktor Orban, le Premier ministre Hongrois. Zelensky a donc besoin d’alliés. Des alliés sûrs. C’est ce qu’il vient chercher vendredi 16 février à Berlin, puis à Paris, avant de se rendre à la Conférence annuelle sur la sécurité de Munich.
Mais ces alliés européens sont-ils vraiment sûrs? Oui, si l’on s’en tient à leurs déclarations. Emmanuel Macron et Olaf Scholz ne cessent de répéter qu’ils soutiendront l’Ukraine «autant que nécessaire». La France et l’Allemagne ont uni leurs forces et leurs moyens de pression pour faire reculer la Hongrie, et obliger Viktor Orban à accepter le plan d’aide des 27 à l’Ukraine lors d’un sommet extraordinaire à Bruxelles le 1er février.
On sait aussi que la France a promis de livrer plusieurs dizaines de canons Caesar supplémentaires à Kiev, tandis que Berlin se fait encore prier pour livrer le nombre requis de missiles à longue portée Taurus, pour l’heure toujours bloqués par le refus des députés au Bundestag. A Paris, un accord bilatéral franco-ukrainien de sécurité et de coopération sera signé, sur le modèle de celui conclu à la mi-janvier entre le Royaume-Uni et l'Ukraine, pour une durée de dix ans.
L’ombre de Trump
On sait aussi que depuis quelques jours, les Européens s’agitent depuis que Donald Trump a laissé entendre qu’il encouragerait, s’il est élu, la Russie à les attaquer pour tester l’OTAN. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui devrait déclarer ce lundi 19 février sa candidature pour un nouveau mandat, vient d’approuver l’idée d’un futur commissaire chargé de la Défense.
Bref, Zelensky sait que le moment est favorable. Il est en difficulté, mais les Européens ne peuvent pas se permettre de le lâcher. C’est une partie de judo politico-diplomatique qu’il va devoir mener.
Premier mouvement de cette partie de judo: faire trébucher tous ceux qui rêvent encore secrètement de renouer avec Poutine. A Paris, à Berlin puis à Munich, Zelensky va redire haut et fort que la Russie ne cédera rien, et qu’elle reste plus que jamais résolue à envahir son pays, comme le président russe l’a redit dans l’entretien accordé au polémiste américain Tucker Carlson. Poutine doit être réélu le 17 mars, date de l'élection présidentielle russe qu'il est assuré de gagner. Il a besoin de montrer sa force. Il n’y a rien à attendre de Moscou: voici ce que va dire Zelensky.
Président-Judoka
Deuxième temps pour le président-judoka: faire le bon mouvement, la bonne clef comme on dit en judo, pour que ses interlocuteurs ne puissent plus se déjuger. Zelensky a besoin d’engagements sur plusieurs années. Il lui faut des sommes, des chiffres, des livraisons d’armes. Son peuple a besoin de garanties pour continuer à résister. Il ne faut pas oublier que Zelensky aurait dû, lui aussi, mener campagne pour être réélu durant ce mois de mars. L’élection présidentielle ukrainienne devait avoir lieu le 31 mars. Mais le pays est sous loi martiale. Volodymyr Zelensky, l’acteur devenu président, doit tenir fermement ses alliés.
Troisième moment de ce combat politico-diplomatique: émouvoir, parler aux tripes des Européens, s’adresser aux opinions publiques. L’Ukraine résiste. La conscription est douloureuse. Un nouveau commandement militaire vient d’être désigné. A Paris, Berlin puis Munich, Zelensky ne doit pas commettre l’erreur de ne parler qu’aux dirigeants, ou à ses alliés de l’OTAN, l’Alliance atlantique. Il doit être humain. Il doit camper un personnage inverse de Vladimir Poutine. Il ne doit pas être cynique, comme le «tsar» russe. Il doit repartir de France et d’Allemagne avec un nouveau capital sympathie.
Tenir en 2024
Visite de la dernière chance? Oui, si l’Ukraine veut trouver les moyens de tenir en 2024 face à la Russie bientôt visée par un treizième paquet de sanctions européennes. Zelensky face à Macron et Scholz: c’est le courage face à la raison d’État. Voilà l’ultime, et la meilleure carte, du supercommunicant nommé Volodymyr Zelensky.