Donald Trump a toujours affirmé qu’il est le «roi du deal». Impossible de le battre, a-t-il souvent tonné lors de sa carrière de promoteur immobilier à New York puis comme président des Etats-Unis, sur le terrain «du bon coup réalisé au bon moment». Problème: cette prétendue baraka semble en train de lui échapper.
Moins de dix jours après les cruciales élections des midterms (mi-mandat) à l’issue desquelles Joe Biden et le parti démocrate ont sauvé leur majorité au Sénat, l’ex-locataire de la Maison-Blanche (2016-2020) fait beaucoup moins peur. Sa candidature pour la présidentielle de 2024, confirmée mardi soir aux Etats-Unis, était attendue. Or ses chances apparaissent aujourd’hui nettement moins bonnes qu’il y a seulement quelques jours... Explications.
Donald Trump fait-il vraiment moins peur à ses adversaires après les midterms?
La réponse est oui. Sans nuances. Avant ce scrutin crucial de mi-mandat, qui se conclut d’habitude par une défaite de la majorité présidentielle, le mouvement «MAGA» (Make America Great Again) de Donald Trump semblait avoir le vent en poupe. Les candidats adoubés par l’ancien président avaient souvent pris le dessus lors des primaires, au sein du Parti républicain. La voie semblait ouverte pour une vague rouge (la couleur de ce parti) et pro-Trump dans les urnes. Or la réalité électorale s’est avérée toute autre.
Premier échec pour Trump: Joe Biden n’a pas été enseveli sous un tsunami républicain. Il conserve de peu le contrôle du Sénat (le dernier sénateur sera élu le 6 décembre en Géorgie, où il y a deux tours de scrutin).
Deuxième échec: plusieurs de ses candidats favoris, comme Mehmet Oz qui se présentait au poste de sénateur de Pennsylvanie (battu par le démocrate John Fetterman), ont été battus. Trump sort donc de ce scrutin avec moins de puissance électorale et un adversaire démocrate plus résolu que jamais. Malgré ses 79 ans, Joe Biden a redit, depuis le sommet du G20 en Indonésie, qu’il était le mieux placé pour battre Trump en 2024. «Sleepy Joe» est plus que combatif.
Donald Trump garde-t-il le contrôle du parti républicain?
Là aussi, changement radical d’ambiance depuis la soirée électorale du 8 novembre. Au sein du parti républicain, les thématiques trumpistes sont dominantes. Le refrain protectionniste, ultra-conservateur et anti-immigration du mouvement MAGA tient la rampe. Le recul du droit à l’avortement avalisé par la Cour suprême, devenue encore plus conservatrice après l’arrivée des juges nommés par Donald Trump, n’est pas remis en cause. En clair: Trump a réussi à transformer ce parti à son image.
Le défi est en revanche personnel. L’homme Donald Trump fait beaucoup moins recette. L’assaut des militants trumpistes contre le Congrès à Washington, le 6 janvier 2021, est passé par là. Les poursuites judiciaires qui s’accumulent contre l’ancien président aussi. Trump sent le souffre, au moment où deux autres personnalités républicaines apparaissent comme de possibles alternatives pour 2024.
Le premier est l’ancien vice-président Mike Pence, que Trump considère comme un traître parce qu’il a refusé de contester les résultats de la dernière présidentielle et la victoire de Joe Biden. Pence, soutenu par les milieux chrétiens évangéliques, vient de publier un livre: «So help me god..» (Que Dieu me vienne en aide). Il est discret, mais populaire.
Deuxième outsider: le gouverneur réélu de Floride Ron DeSantis, sur lequel Trump a promis des révélations. DeSantis a le profil parfait du trumpiste qui n’est pas Trump. Il a le charisme du vainqueur, dans un grand Etat… où habite Donald Trump. C’est d’ailleurs à Mar-a-Lago, sa résidence au milieu d’un golf, dans le comté de Palm Beach en Floride, que l’ancien président a promis de faire son annonce. Pas simple de dire du mal, à cet endroit, de celui qui risque de s’opposer à lui…
Donald Trump a-t-il perdu sa lucidité sur ses chances de l’emporter?
Trump veut l’impossible. Il se croit unique. Il a toujours fonctionné seul contre tous, ou presque, avec l’aide d’une armée d’avocats et de partisans. Il n’est jamais plus fort que le dos au mur. Est-il lucide? Pas si sûr. Son plus grave problème, outre le résultat des midterms, est qu’il manque à ses côtés de conseillers et de personnalités résolus à se battre pour lui jusqu’au bout.
Le 21 octobre, son ancien conseiller et gourou Steve Bannon a ainsi été condamné à quatre mois de prison. Fréquenter Donald Trump, c’est s’exposer à de possibles investigations du FBI. C’est aussi prendre des risques, d’autant que certaines personnalités sulfureuses, comme l’ancien maire de New York Rudy Giuliani (qui vient d’être relaxé à propos d’affaires en Ukraine), continuent d’être à son service.
La machine Trump n’est plus ce qu’elle était en 2020, face à la candidate démocrate Hillary Clinton. Laquelle, rappelons-le, avait gagné le vote populaire avec plus d’un million de voix d’avance, mais perdu au nombre de grands électeurs (227 contre 304).
Deuxième écueil pour Trump: la nouveauté. L’ancien promoteur appartient au passé. Il n’est pas un homme neuf. Il refuse, pour l'heure, de témoigner devant la Commission d'enquête du Congrès sur le 6 janvier 2021. Or aux Etats-Unis, l’opinion aime les nouvelles épopées politiques. Le système est en général redoutable pour les sortants. Un seul président, Grover Cleveland, a d’ailleurs réussi à se faire réélire après avoir perdu la présidence, à la fin du XIXe siècle.
Donald Trump se retrouve devant une situation inédite. Il a changé le visage politique de la droite américaine. Mais le Parti républicain qu’il a façonné commence à lui échapper. Et plus il va se laisser aller à ses colères, plus il risque de se retrouver devant un autre pays, lassé de sa posture et inquiet du risque qu’il fait courir à la démocratie américaine. Et si «Make Donald Trump Great Again» était devenu une mission impossible?