Le ministre allemand de la Défense n'est pas du genre à prendre les choses à la légère. Le politicien Boris Pistorius, du Parti social-démocrate (SPD), a pour ambition de transformer les forces armées de la plus puissante économie d'Europe.
Son armée, forte de 180'000 hommes, doit être «prête pour la guerre» d'ici six mois. «Pour que personne n'ait l'idée de nous attaquer en tant que territoire de l'OTAN», affirme le ministre.
Les déclarations du politicien le plus populaire d'Allemagne jeudi à Berlin ont suscité de vives réactions. Il a saisi l'occasion de présenter ses plans de transformation des forces armées le jour même du 75e anniversaire de l'alliance militaire de l'OTAN. Un clin d'œil symbolique? Si les importantes réformes de l'Allemagne s'annoncent fortes de conséquences, la Suisse aussi pourrait en ressentir les effets. Trois mesures proposées par Boris Pistorius sortent particulièrement du lot. Les voici.
Un service militaire (à nouveau) obligatoire pour les Allemands
En 2011, l'Allemagne avait supprimé le service militaire obligatoire en faveur d'une armée de professionnels. Une telle réforme avait entraîné une réduction massive des forces armées. Environ 181'000 hommes et femmes en uniforme servent aujourd'hui le pays, soit au moins 20'000 de moins qu'à l'époque, selon Boris Pistorius.
Pour pallier cette lacune, le ministre de la Défense insiste désormais sur la «capacité de montée en puissance» de l'armée. Concrètement, l'homme du SPD propose «la réintroduction du service militaire obligatoire» dans les réformes des forces armées entreprises actuellement.
La politique allemande devra décider de ce à quoi ressemblera exactement le service militaire obligatoire 2.0 – et si les femmes seront également concernées. Boris Pistorius lui-même se dit séduit par le système suédois. Le pays scandinave a réintroduit son service militaire obligatoire en 2017. Tous les jeunes de 18 ans du pays doivent remplir un questionnaire: ceux qui sont aptes au service militaire sont convoqués, et tous les autres doivent effectuer un service civil.
La cyber-guerre: Berlin copie Berne
Outre les divisions traditionnelles de l'armée de terre, de l'armée de l'air et de la marine, Boris Pistorius veut créer une quatrième division spéciale: celle du cyberespace et de l'information. «En Ukraine, il n'y a pratiquement plus de situations de combat sans composante numérique», a souligné le ministre de la Défense. Selon lui, l'importance de ce domaine est énorme, notamment au vu des capacités de cyberguerre de la Russie.
Dans ce domaine, la Suisse a une longueur d'avance sur son grand voisin du nord. Depuis le 1er janvier 2024, le commandement Cyber est opérationnel 24 heures sur 24. Avec ses trois centres de calcul (un à Frauenfeld, deux autres sont sur des sites secrets), le tout nouvel office fédéral du Groupement Défense soutient les forces armées helvétiques dans tous les domaines de l'informatique et du cyber.
Le commandement Cyber de l'armée suisse met à disposition des réseaux sécurisés, peut désactiver des systèmes d'armes adverses, repousser des attaques sur notre réseau d'approvisionnement et mettre sur écoute des opérateurs radio ennemis. «Nous sommes la colonne vertébrale numérique de l'armée», explique l'expert en informatique et lieutenant-colonel Ramun Hofmann dans une vidéo explicative du nouveau commandement. Cette colonne vertébrale de l'armée suisse, les Allemands la veulent aussi.
A bas la bureaucratie!
Tout système qui n'est pas régulièrement examiné sous toutes les coutures finit par devenir inerte et beaucoup trop compliqué – Boris Pistorius le sait bien. Le politicien a donc annoncé jeudi que la structure de commandement des forces armées allemandes allait être massivement simplifiée.
A l'avenir, il y aura une structure de commandement centrale pour toutes les unités actives en Allemagne et à l'étranger. Cette mise en place devrait permettre de prendre des décisions rapides et de faciliter la tâche des alliés, dont l'OTAN, pour trouver rapidement le bon interlocuteur.
Une chose est sûre: toutes ces mesures coûtent de l'argent. A l'heure actuelle, l'Allemagne est toujours nettement en retard sur l'objectif de dépenses de l'OTAN de 2% du produit intérieur brut (PIB). Les dépenses du pays s'élèvent actuellement à 1,4% du PIB. Mais en somme, c'est toujours plus que les 0,7% que la Suisse consacre à sa défense.