Tous prononcent les mêmes phrases. Avec les mêmes mots et les mêmes exemples. Depuis le début février, les couloirs du QG de l’OTAN à Bruxelles et de son quartier général à Mons (Belgique) bruissent d’un seul refrain: les attaques russes contre les pays européens n’ont jamais été «aussi nombreuses et aussi brutales».
C’est ce constat qui, selon l’entourage d’Emmanuel Macron, a poussé le président français à adopter une posture martiale, prêt à riposter aux menaces du Kremlin, lors de son intervention télévisée jeudi 14 mars. «En termes d’intensité et de brutalité, la Russie n’a jamais été aussi militairement agressive depuis longtemps» juge le Général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue française «Défense nationale». Pas d’autre choix donc, pour les 32 pays membres de l’Alliance Atlantique, que d’être sur le pied de guerre alors que le président russe s’apprête, dimanche 17 mars, à être réélu pour six ans.
Peut-on toutefois parler d’attaques russes, alors que, depuis le déclenchement de la guerre le 24 février 2022, aucune action militaire du Kremlin n’a eu lieu hors du territoire de l’Ukraine? La réponse varie selon les sources et les pays des experts consultés par Blick lors du «Paris Defense and Strategy Forum» qui vient de s’achever dans la capitale française.
La Baltique, mer vulnérable
Premier constat: les pays de l’Union européenne les plus proches de la Russie, comme les trois États Baltes, la Finlande, la Pologne ou la Roumanie affirment désormais qu’ils redoutent de voir Vladimir Poutine «tester» après sa réélections l’article 5 de l’Otan, qui prévoir une assistance automatique en cas d’agression d’un des alliés. Greta Monika Tuckute est l’une des directrices du ministère lituanien de la Défense. Elle a exprimé ce point de vue lors d’un panel d’experts consacré, lors du Forum de Paris, aux menaces russes en mer Baltique: «Nous n’excluons pas une attaque contre une de nos infrastructures critiques dans les prochaines semaines. Je ne parle pas d’une attaque cyber, mais d’une mission de sabotage, ou d’un accrochage naval. Poutine ne va pas rester inerte après avoir rempilé pour six ans de pouvoir. Il va tenter quelque chose».
Vrai ou faux? L’un des enjeux, pour l’Otan, est la police de l’air que l’alliance assure dans le ciel balte. D’avril à juillet, c’est à l’armée de l’air belge que revient ce rôle. Le Danemark suivra de juillet à octobre. Ces deux pays emploient des F16, cet appareil de chasse américain dont l’Ukraine attend de recevoir les premiers exemplaires cet été, donnés par les Pays-Bas.
La Moldavie, talon d'Achille
Second constat: Vladimir Poutine scrute de très près, ces temps-ci, la situation en Transnistrie, l’enclave pro-russe de Moldavie, coincée entre ce pays et l’Ukraine. Le 29 février, ses autorités ont lancé un appel à l’aide à Moscou. Le leader politique du territoire, Vadim Krasnoselsky, a dans la foulée été reçu au Kremlin. La Transnistrie, où l’armée russe dispose toujours de l’ancienne base soviétique et du dépôt de munitions de Cobasna, peut être l’étincelle que Poutine va allumer. Sa proximité géographique avec le port ukrainien d’Odessa, où la population russophone demeure nombreuse, rend la Transnistrie très utile pour le pouvoir russe.
Vrai ou faux, cette menace? Vraie. Elle existe. Et Vladimir Poutine peut décider de l’activer à tout moment, ouvrant ainsi un second front sur le flanc sud de l? Ukraine, en bordure de la Mer Noire. Le président Russe est, dit-on, excédé par les défaites navales subies par sa flotte. Il a compris que l’axe routier Odessa-Moldavie est aujourd’hui essentiel à la survie de l’Ukraine, puisque des milliers de camions l’empruntent chaque jour. Poutine pourrait aussi décider d’attaquer l’un des cargos qui ravitaillent tous les jours Odessa. La menace est sérieuse.
L'Ukraine, ce domino
Troisième inquiétude: l’enfoncement du front Ukrainien dans les jours prochains. C’est ce scénario qui alimente le plus l’inquiétude des dirigeants européens. Comment palier, alors, un repli désordonné de l’armée de Kiev? L’envoi immédiat de spécialistes des missiles, pour accélérer leur cadence d’utilisation, serait presqu’obligatoire. La Russie pourrait alors, pour profiter à plein de sa contre-offensive, mener des diversions, et agiter le chiffon rouge aux frontières de l’OTAN. Les menaces cyber, et les attaques contre les réseaux de transmission menées par des hackers Russes, souvent évoquées lors du Forum de Paris, ne sont pas du même ordre: «Dès que Poutine aura obtenu une nouvelle victoire terrestre en Ukraine, il voudra l’exploiter. C’est là-bas que la vraie guerre se joue» explique un général français.
Vrai ou faux, cette menace? Malheureusement vraie et doublée d’attaques constantes. La Russie n’est plus en mode défensif en Ukraine. Elle attaque. Jadis, les Américains justifièrent leur intervention militaire au Vietnam par la théorie des «dominos», afin de contrer la chute des pays asiatiques les uns après les autres. Bis répétita. La Russie sera dans une situation très différente, et beaucoup plus dangereuse si le «domino» ukrainien vacille.