Vitali Klitschko et son frère Vladimir peuvent à peine faire trois pas sur la Promenade de Davos sans que quelqu’un leur demande un selfie. Les deux géants ukrainiens – le maire de Kiev mesure 2,01 mètres et son frère à peine trois centimètres de moins – sont littéralement les invités les plus remarquables du World Economic Forum (WEF). Et malgré leur programme chargé et la situation difficile dans leur pays, Vitali Klitschko semble concentré et détendu lors de l’interview avec Blick, qu’il accorde en allemand.
Vitali Klitschko, mercredi, le ministre ukrainien de l’Intérieur, Denys Monastyrsky, est décédé dans un accident d’hélicoptère près de votre ville natale. Que savez-vous du contexte de cet incident?
Une partie de notre gouvernement était en route pour la ville de Dnipro, dans l’est de l’Ukraine, où un missile russe a détruit il y a quelques jours un immeuble d’habitation et tué au moins 45 personnes. L’hélicoptère transportant le ministre de l’Intérieur s’est écrasé directement sur un jardin d’enfants. On recense au moins 18 morts, dont trois enfants. Nous ne pouvons pour l’instant que spéculer sur les causes du crash.
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L’attaque de Dnipro est le dernier exemple en date du terrorisme russe contre des cibles civiles en Ukraine. Comment l’horreur de la guerre influence-t-elle votre quotidien personnel en tant que maire?
Depuis le début du conflit, l’alerte au missile a été déclenchée 645 fois à Kiev. En tout, nos concitoyens ont passé un mois entier de leur vie dans un bunker. Tout cela à cause de cette guerre insensée. Le risque est toujours important aujourd’hui à cause des attaques de drones kamikazes. Ces drones et ces missiles peuvent frapper à tout moment et n’importe où en Ukraine.
Et vous, vous allez encore dans un abri à chaque alerte?
Pas toujours, à vrai dire. Je veux être un modèle pour les habitants de ma ville. Mais je dois prendre certains risques, par exemple lorsque je visite des quartiers de Kiev qui ont été touchés par des missiles russes, ou lorsque nous essayons de sauver des vies humaines avec nos pompiers et nos ambulances.
La Russie veut augmenter massivement la taille de son armée. Une nouvelle attaque sur Kiev n’est pas exclue. Comment préparez-vous la ville à cette éventualité?
Nous avons préparé de nombreuses surprises pour les assaillants. Je recommande aux soldats russes de ne pas venir une nouvelle fois à Kiev. Cela se terminerait de manière très sanglante pour eux. Mais nous connaissons les plans de Poutine. Kiev a toujours été une cible de l’agresseur russe, et elle le reste, malheureusement. Une nouvelle attaque par le nord, depuis la Biélorussie, est toujours possible.
Prendriez-vous les armes vous-même?
En tant qu’ancien soldat, j’ai fait le serment de prendre les armes sans réfléchir et défendre mon pays si la situation devient sérieuse. Mon père était général. Il m’a appris que le plus grand honneur pour un homme est de donner sa vie pour son pays.
Y a-t-il eu des tentatives d’assassinat à votre encontre?
Chaque maire d’Ukraine est une cible. Trente-sept maires ukrainiens ont été temporairement enlevés. Sept sont toujours portés disparus. L’un d’entre eux a été tué. C’est la vie. Nous devons prendre cela au sérieux et, malgré tout, remplir notre mission.
Qu’avez-vous obtenu au WEF de Davos?
Tant que le plus grand pays d’Europe en termes de superficie sera instable, tout le continent le restera. Pour changer cela, nous avons besoin de plus de soutien pour l’Ukraine – une aide à la reconstruction et des livraisons d’armes.
Avez-vous également rencontré des membres du gouvernement suisse?
J’ai rencontré des membres du Parlement, des représentants du gouvernement suisse et de l’économie. Nous avons eu de très nombreuses discussions. J’ai entendu une déclaration très souvent: «Nous sommes un pays neutre.»
Et que pensez-vous de l’attachement de la Suisse à la neutralité?
Quand il s’agit des droits humains, de la vie et de la mort, de la guerre et de la paix, on ne peut pas être neutre. Il faut prendre position! Les sanctions fonctionnent très bien contre la Russie. Chaque dollar, chaque euro, chaque franc que l’on envoie à la Russie profite à l’armée russe. Il y a du sang ukrainien sur cet argent. C’est pourquoi nous comprenons la Suisse et sa neutralité, mais à l’heure actuelle, lorsqu’il s’agit de valeurs communes, on ne peut pas être neutre.
La Suisse doit-elle aussi livrer des armes?
Je demande à la Suisse de livrer des armes de défense qui protègent la vie des gens, par exemple des systèmes de défense aérienne. Rien qu’à Kiev, plus de 150 personnes sont mortes à la suite d'attaques de missiles et de drones russes.
Vous étiez au WEF il y a huit mois, vous êtes maintenant de retour. Avez-vous plus d’espoir aujourd’hui qu’en mai que la guerre soit bientôt terminée?
Il y a huit mois, la situation était bien plus critique qu’aujourd’hui. Des soldats russes se trouvaient alors aux frontières de Kiev. Aujourd’hui, il n’y a plus de Russes, une grande partie de notre pays a été libérée par les soldats ukrainiens. Nos troupes sont aujourd’hui beaucoup plus fortes qu’à l’époque, nous avons beaucoup plus d’expérience et de soutien. La situation est toujours difficile, mais stable.
Êtes-vous convaincu que l’Ukraine va gagner cette guerre?
Oui, j’en suis fermement convaincu. Je peux aussi expliquer pourquoi. En tant qu’ancien boxeur, je sais que la taille et la force jouent un rôle, mais cela n’est pas décisif. Ce qui est encore plus important, c’est la volonté de gagner, l’état d’esprit. Nous sommes extrêmement motivés. Les soldats russes se battent pour de l’argent, nous défendons nos familles et nos enfants. Et notre avenir.
Autrefois, en tant que boxeur, vous vous battiez d’homme à homme. Aujourd’hui, votre adversaire se cache au Kremlin. Que diriez-vous à Vladimir Poutine si vous étiez face à face avec lui?
Cela n’a aucun sens de discuter avec lui. Car Poutine est malade. Un individu sain n’a pas l’idée folle de construire un empire russe et de laisser mourir des milliers de personnes pour cela. C’est un criminel et il doit assumer la responsabilité de tout le mal qu’il a apporté au monde.