Un dictateur peut en cacher un autre. Accueilli mercredi 13 septembre sur le cosmodrome de Vostotchny (sud-est de la Sibérie) par Vladimir Poutine, Kim Jong-un est, en théorie, l’allié parfait pour le maître du Kremlin. Rien de tel, lorsque l’on mène une guerre contre un ennemi soutenu par l’Occident et ses alliés, qu’un bon vieux «deal» avec l’un des plus anciens ennemis publics de ce bloc des pays riches et démocratiques.
A 39 ans, le dictateur nord-coréen est un tyran prêt à tout pour sauver sa dynastie et son pouvoir. Mieux: cet allié, adossé à son pays et à la Chine, est le mieux placé pour servir ses intérêts depuis la Russie avec laquelle il partage une frontière, le long du fleuve Tunmen.
Son complexe militaro-industriel est protégé d’éventuelles frappes par ses têtes nucléaires. Son économie est, de longue date, habituée à fonctionner sous sanctions internationales. La Corée du Nord peut dès lors devenir la «zone franche» de l’axe du mal emmené par Moscou, avec l’Iran en force d’appoint. Une base arrière où tout est possible, loin des regards et des capacités de destruction occidentales…
Le risque de la folie destructrice
Le problème est que certains dictateurs finissent, un jour, par n’en faire qu’à leur tête. En déclenchant l’agression contre l’Ukraine le 24 février 2022, Vladimir Poutine lui-même a montré l’exemple.
Or Kim Jong-un a, lui aussi, de solides raisons de tenter le pire. Il sait que les États-Unis se redéploient en Asie, pour endiguer la puissance militaire de la Chine. Washington arme Taïwan, mais aussi ses plus fidèles alliés que sont la Corée du Sud et le Japon. L’Oncle Sam a même remis un pied aux Philippines, et Joe Biden vient d’achever une visite au Vietnam.
Pour le régime nord-coréen paranoïaque, le meilleur bouclier est dans ces conditions la loi de la peur. C’est en faisant peur, avec ses missiles et sa force de frappe atomique, que Kim Jong-un peut espérer perpétuer le pouvoir de sa famille sur ce pays de 25 millions d’habitants. C’est en distillant l’effroi qu’il peut espérer dissuader ses ennemis.
Flatterie et protection
Poutine a décidé de s’appuyer sur Kim Jong-un comme un «parrain» de la mafia le ferait avec un chef de gang. Il fait appel à lui. Il le flatte. Il lui promet de l’aide pour son programme satellitaire, et sans doute sa protection, comme membre permanent du Conseil de sécurité.
Mais la loi du gang nord-coréen n’est pas assurée de demeurer demain celle du Kremlin. Kim Jong-un, contrairement à Poutine, n’a, autour de lui, ni oligarques ni clan politique. Tout remonte vers sa personne. Ses colères, ses foucades, ses envies de règlements de compte ne connaissent aucun obstacle. En traitant le maître de Pyongyang comme son allié privilégié, le président russe ne fait qu’alimenter son hubris. Au risque de devoir, un jour, payer lui aussi le prix de ses éventuelles folies.