Des incidents mortels impliquant des véhicules dans deux hotspots touristiques ont secoué les États-Unis en ce début d'année.
À la Nouvelle-Orléans, Shamsud-Din Jabbar, un vétéran de l'armée américaine, a foncé avec un pick-up Ford de location dans une foule qui célébrait le Nouvel An. L'assaillant a tué 14 personnes. Un drapeau de l'État islamique (EI), des armes et un engin explosif ont été retrouvés dans le véhicule.
Quelques heures plus tard, un Cybertruck Tesla a explosé devant le Trump International Hotel à Las Vegas. Le véhicule avait été loué par Matthew Livelsberger, membre de l'armée américaine. Ce dernier a été tué et sept autres personnes ont été blessées. Les autorités ont enquêté pour savoir s'il pouvait s'agir là aussi d'un acte terroriste. A nouveau, la voiture comme arme du crime, comme lors de l'attentat de Magdebourg avant Noël. Mais pourquoi? Un expert nous éclaire.
Des opinions politiques confuses
Jérôme Endrass, expert zurichois en médecine légale, affirme que l'idéologie politique du jihadisme n'était peut-être pas la seule motivation de l'auteur de l'attaque de la Nouvelle-Orléans. «Selon les premiers rapports des médias, il semble qu'il ait d'abord planifié un attentat contre sa famille parce qu'il se sentait marginalisé pour différentes raisons.»
L'homme aurait eu des dettes et aurait été accablé par des pensions alimentaires. Le fait que la violence aurait pu s'exprimer de la même manière à l'égard des membres de la famille serait relativement fréquent: «la violence des extrémistes est souvent dirigée en premier lieu contre leurs proches», souligne Jérôme Endrass.
L'auteur de l'attentat de Magdebourg en Allemagne, qui a tué cinq personnes et en a blessé plus de 200 avec une voiture le 20 décembre passé, a également montré que ses opinions politiques étaient relativement confuses. «Cela arrive souvent», avance Jérôme Endrass.
L'«effet Werther» chez les extrémistes
Le fait qu'après l'attentat de Magdebourg, une voiture ait à nouveau été utilisée comme arme à la Nouvelle-Orléans n'étonne pas Jérôme Endrass. Les raisons de tels attentats «low-tech» sont évidentes. «Il n'est pas nécessaire de fabriquer des explosifs ou de se procurer des armes, qui sont des activités sous surveillance.»
Déjà après l'attentat de Nice de juillet 2016, qui avait fait 86 morts, il y aurait eu de nombreux imitateurs, avec des attentats à Berlin, Londres, New York, Stockholm ou Barcelone. Dans le domaine de la prévention du suicide, on parle de «l'effet Werther», explique Jérôme Endrass. Dans le domaine de l'extrémisme, il existe aussi des «tendances» similaires – par vague. «On s'imagine alors que des personnes déconnectées, psychiquement marquées et frustrées cherchent un exutoire. Elles se sentent attirées par certains modèles et se livrent alors justement à la violence», explique le psychologue.
La propagande plutôt qu'une planification complexe
Mais l'évolution vers des attentats techniquement simples serait également liée au fait que la prévention du terrorisme a fait des progrès dans les pays occidentaux. «La législation a été améliorée et la répression renforcée.» Alors qu'il y avait auparavant des attaques complexes, planifiées de manière centralisée et impliquant de nombreux participants – comme l'attentat des avions du 11 septembre 2001 – l'accent est désormais mis sur les attentats qui sont menés à bien avec des moyens plutôt simples. «Il y a des acteurs qui font beaucoup de propagande et espèrent que quelqu'un s'en emparera et commettra un acte de violence grave au nom de cette organisation.» Dans ce contexte, les auteurs ne seraient que partiellement ancrés dans l'idéologie.
La gestion des menaces est donc une tâche à laquelle plusieurs groupes professionnels doivent s'atteler ensemble: la police, la psychiatrie et les services sociaux doivent surveiller si quelqu'un se fait remarquer. En Suisse, cette interaction fonctionne relativement bien, estime Jérôme Endrass. «Il y a une grande volonté de coopération en Suisse, qui est un petit pays. Nous nous en sortons bien à cet égard, même si nous sommes toujours sollicités.»
L'activité djihadiste quadruplée
Le fait que l'attentat de la Nouvelle-Orléans ait été possible est un indice dramatique «que l'EI est à nouveau en train de se renforcer», a expliqué l'expert en terrorisme Peter R. Neumann sur X. Cela ne vaut pas seulement pour les États-Unis, mais malheureusement aussi pour l'Europe, où le volume de l'activité jihadiste a quadruplé depuis octobre 2023, début de la guerre de Gaza, a-t-il ajouté.
«Si l'on veut empêcher de nouveaux attentats, il faut maintenant refaire de la lutte contre le terrorisme jihadiste une priorité», a déclaré Peter R. Neumann. Selon lui, la vague qui se prépare ne sera pas forcément aussi meurtrière que la précédente, tant que la politique et les autorités de sécurité agissent à temps, avec intelligence et détermination.