Attentat à la Nouvelle-Orléans
Les Etats-Unis sont-ils visés par une offensive de l'Etat islamique?

L'attentat commis à la Nouvelle-Orléans par un ancien militaire américain soupçonné d'avoir rejoint l'Etat Islamique nourrit l'inquiétude sur une possible offensive de cette nébuleuse terroriste aux Etats-Unis. A quelques jours de l'investiture de Donald Trump.
Publié: 02.01.2025 à 06:40 heures
|
Dernière mise à jour: 02.01.2025 à 10:45 heures
1/5
Des agents des forces de l'ordre travaillent sur la scène de Bourbon Street après qu'au moins dix personnes aient été tuées lorsqu'un individu a foncé dans la foule au petit matin du jour de l'An, le 1er janvier 2025 à la Nouvelle-Orléans, en Louisiane.
Photo: Getty Images
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Les Etats-Unis sont-ils visés par une attaque de l’État islamique (EI/ Daech)? Après l’attentat dévastateur (quinze morts, une trentaine de blessés) commis à la Nouvelle-Orléans vers trois heures du matin mercredi 1er janvier par un ancien militaire américain apparemment radicalisé, la question est posée. L’explosion, quelques heures plus tard, d’un cybertruck Tesla devant le Trump Hotel de Las Vegas (un mort), loué avec la même application que le pick-up utilisé en Louisiane, pourrait être aussi le résultat d’un acte terroriste. Et ce, à quelques jours de l’investiture de Donald Trump le 20 janvier prochain.

Première information: né au Texas, résidant à Houston, le conducteur du pick-up lancé contre la foule à la Nouvelle-Orléans correspond bien au portrait-robot d’un individu radicalisé, entré au service de l’Etat islamique (EI), même si ces liens ne sont pas établis. Tué par la police après avoir tiré sur la foule avec une arme longue distance, Shamsud-Din Jabbar, 42 ans, avait servi dans l’armée américaine pendant dix ans, notamment au sein d’une unité spécialisée dans les technologies de l’information. Il avait été déployé en Afghanistan en 2009, où il avait atteint le grade de sergent-chef. L’une de ses ex-épouses affirme qu’il se serait radicalisé très récemment. Il aurait aussi tourné et mis en ligne des vidéos confirmant son soutien à la lutte islamique armée.

Véhicule piégé

Seconde information: le véhicule utilisé dans l’attentat commis sur Bourbon Street, dans le quartier «français» de la Nouvelle-Orléans en pleine célébration du Nouvel An, était piégé. Les enquêteurs ont trouvé dans le pick-up de nombreux engins explosifs improvisés, dont deux bombes artisanales dissimulées dans des glacières et équipées d’un système de détonation à distance.

Le FBI, la police fédérale américaine, a en outre déclaré qu’un drapeau du groupe Etat islamique avait été trouvé dans le véhicule. La participation de trois autres personnes, d’abord évoquée, après la découverte d'explosifs cachés à proximité, doit toutefois être considérée avec précaution. Des indications ont très vite été données sur la traque policière lancée contre deux hommes et une femme repérés sur les lieux avant le drame. Avant que d’autres sources démentent cette piste…

Troisième information: Même si rien ne permet d’établir à ce stade un lien direct entre l’attaque de la Nouvelle-Orléans et l’Etat islamique, la proximité de l’investiture présidentielle, mais aussi le soutien sans faille des Etats-Unis à Israël dans sa guerre à Gaza, forment un contexte favorable pour la nébuleuse djihadiste à la recherche de nouveaux objectifs, dix ans après les attaques terroristes contre la France en 2015 et bientôt un quart de siècle après les attentats de septembre 2001 à New-York.

Il faut rappeler que les Etats-Unis ont, depuis 2001, été visé par plusieurs attentats revendiqués par l'EI, telle la fusillade de septembre 2015 à San Bernardino, près de Los Angeles (14 morts). Ils demeurent d'ailleurs engagés militairement en Syrie, où leurs avions (aux côtés d’appareils français et britanniques) basés dans la province de Homs poursuivent leurs frappes contre des sanctuaires de l’EI. La désagrégation du régime de Bachar al-Assad, et les guerres entre factions djihadistes syriennes, ainsi que la pression militaire exercée par la Turquie sur les Kurdes sont aussi des facteurs favorables à la reprise des attentats, surtout si les anciens djihadistes retrouvent la liberté à la faveur du chaos ambiant.

Environnement opérationnel

«Depuis 2019, lorsque l’État islamique a perdu sa dernière parcelle de contrôle territorial et que la Turquie est intervenue militairement dans le Nord, l’environnement opérationnel en Syrie et les acteurs impliqués sont restés globalement cohérents note l’analyse Devorah Margolin, du 'Washington Institute for Near East Policy'. Désormais, des changements radicaux mettent en péril la sécurité dans l’ensemble du pays. Cela inclut la zone nord-est où les FDS et les forces alliées contrôlent plus de vingt-six camps et prisons détenant environ 50'000 personnes affiliées à l’EI (41'000 dans les camps, 9000 dans les prisons).»

Et d’ajouter: «Malgré les pressions internationales exercées de longue date pour réduire ce risque en rapatriant ces personnes dans leur pays d’origine, les progrès restent dangereusement lents, cinq ans après l’effondrement du «califat» de l’EI […] Le risque d’évasion augmente, et tout agent ou sympathisant de l’EI qui s’échappe pourrait retourner dans son pays d’origine en dehors de la procédure officielle de rapatriement, ce qui poserait des risques potentiels pour la sécurité dans son pays.»

Individus arrêtés

Quatrième information: Les incidents terroristes islamistes ciblant les États-Unis ont nettement augmenté en 2024 après plusieurs années d’activité réduite. Les autorités américaines ont interpellé des individus dans sept incidents différents sur des accusations liées à cinq complots infructueux et deux attaques réelles. Les incidents concernaient à la fois des extrémistes islamistes locaux prétendument inspirés pour commettre un acte violent aux Etats-Unis et des personnes qui ont tenté d’entrer aux Etats-Unis prétendument pour commettre un attentat terroriste.

Selon le centre spécialisé sur l’extrémisme de la Ligue anti-Diffamation (Anti Defamation League), ces incidents découlaient de motivations diverses, allant du désir de soutenir l’EI ou ses ramifications (comme la branche de l’Etat islamique au Khorasan très active au Pakistan et en Afghanistan, et responsable de l’attentat contre le complexe Crocus City Hall près de Moscou le 22 mars 2024) à la colère face à la guerre à Gaza qui a commencé après l'assaut du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023. Plusieurs des incidents terroristes impliquaient des auteurs relativement peu sophistiqués dont le désir de mener une sorte d’opération dépassait leurs ressources ou leur capacité à la mener à bien.

Avertissement sécuritaire

Ce constat listant les incidents (survenus à Chicago, à New York, en Floride ou dans l’Idaho, souvent du fait d’Américains d’origines arabes) était assorti d’un avertissement: «D’éventuelles politiques américaines futures, telles que le renouvellement de l’interdiction dite 'des musulmans' et les déportations massives, pourraient fournir des munitions supplémentaires aux propagandistes extrémistes islamistes à l’étranger pour inciter à la violence à l’intérieur des États-Unis.»

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la