De l'Etat islamique à l'ultradroite
Dix ans après les attentats de 2015, la menace reste «très élevée» en France

La menace terroriste persiste en France, amplifiée par les conflits internationaux. Les autorités notent une hausse des procédures jihadistes et l'émergence de nouveaux profils, dont des mineurs radicalisés en ligne, posant de nouveaux défis sécuritaires.
Publié: 20.12.2024 à 10:19 heures
Les acteurs de l'antiterrorisme en France suivent également de près l'évolution de la situation en Syrie.
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AFP Agence France-Presse

Dix ans après la pire vague d'attentats meurtriers ayant frappé la France, la menace pesant sur le pays reste «très élevée» en raison notamment de l'aggravation des tensions internationales, en particulier au Proche-Orient.

L'escalade à l'oeuvre dans cette région depuis l'attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023 «est un facteur d'aggravation des menaces» en France et en Europe, a exposé le Parquet national français antiterroriste (Pnat) à l'AFP.

Une hausse de 55%

Le parquet antiterroriste avait ouvert, au 1er décembre, 59 procédures «en matière de contentieux jihadiste», soit une «hausse de 55%»: il y en avait 48 en 2021, 41 en 2022 et 38 en 2023.

Les «procédures jihadistes» représentent «87%» de celles ouvertes, ajoute le Pnat. «Nous continuons à subir les effets d'octobre 2023 qui a énormément excité les islamistes et la jihadosphère», observe également un magistrat antiterroriste. A ce jour, un seul passage à l'acte violent à caractère antisémite a eu lieu depuis le 7 octobre: l'attaque d'une synagogue à la Grande-Motte (sud de la France), fin août.

Inquiétude vis-à-vis de l'EI

Les acteurs de l'antiterrorisme en France suivent également de près l'évolution de la situation en Syrie, depuis la chute de Bachar al-Assad début décembre et la prise de pouvoir par des rebelles dirigés par le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS).

Parmi leurs principaux points de vigilance: l'éventuelle recomposition du groupe jihadiste Etat islamique (EI) et le risque de remobilisation des combattants français encore sur zone, dont les quelques 150 hommes et femmes retenus dans les prisons et camps kurdes du nord-est syrien.

Les capacités de l'EI, principal responsable des attentats ayant frappé la France en 2015, sont en effet l'une des évolutions majeures de la menace. «Si l'année 2015 était marquée par une logique de commando, projeté depuis la zone irako-syrienne, l'Etat islamique s'illustre aujourd'hui davantage par sa capacité à inspirer chez nos ressortissants des projets d'action violente», relève auprès de l'AFP la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Il y a dix ans, la «menace endogène» était essentiellement constituée de «profils anciens», ancrés dans une idéologie radicale de longue date, et de «jeunes attirés par le 'rêve syrien'», note une source au sein des services de renseignements.

Des jihadistes plus jeunes

Depuis, le profil des jihadistes français s'est considérablement rajeuni. «Alors qu'il y a quelques années encore, les mineurs mis en examen en matière terroriste se comptaient sur les doigts d'une main, nous avons eu 15 mineurs en 2023 et 18 en 2024», détaille le Pnat.

Ces jeunes «viennent de familles assez diverses, musulmanes pour certaines, mais pas uniquement», ajoute le parquet antiterroriste français. Leur radicalisation s'effectue en ligne, où ils «consultent beaucoup d'images violentes», note une source sécuritaire.

Ils ont une «grande aisance dans l'utilisation des applications de messageries cryptées» et peuvent «échanger en anglais», ce qui participe à «faire tomber les frontières», ajoute cette source, citant le projet d'attentat contre une salle de concert à Bruxelles pour lequel quatre jeunes hommes avaient été interpellés en mars en Belgique et trois mineurs en France.

Un autre profil se dessine

Il s'agit des personnes originaires du nord-Caucase et en particulier les Tchétchènes. C'est notamment le cas de l'assassin de l'enseignant français Samuel Paty, poignardé puis décapité près du collège où il enseignait en région parisienne le 16 octobre 2020. L'assassin, Abdoullakh Anzorov, 18 ans, était un réfugié russe d'origine tchétchène radicalisé.

Au sein de cette communauté d'origine tchétchène, estimée à entre 50'000 et 60'000 personnes en France et «difficilement pénétrable», les services surveillent quelques dizaines d'individus, ceux du haut du spectre.

L'ultradroite aussi pointée du doigt

Concernant l'idéologie d'ultradroite, autre risque de menace terroriste, quinze dossiers ont été ouverts par le Pnat en dix ans, dont quatre toujours en cours. Parmi eux le «projet Azur», présenté comme un projet de «renversement du gouvernement» en 2020 ou l'enlèvement d'une petite fille, Mia, en 2021, mais «aucune procédure n'a été ouverte en 2024».

Le Pnat reste néanmoins «très attentif», notamment au vu des exemples américains et allemands, qui «imposent notre vigilance». Au sein de cette mouvance, les autorités françaises sont préoccupées par la tendance «accélérationniste», qui vise à «précipiter un affrontement entre communautés». Les profils sont là aussi «assez jeunes» et «majoritairement masculin», notent les services de renseignements français.

Aucun dossier en cours ne concerne en revanche l'idéologie d'ultragauche. «Pour l'instant», les actions menées par l'ultragauche ne portent que sur des «actes matériels qui ne sont pas qualifiés de terroristes», selon le magistrat, évoquant les sabotages de réseaux de la compagnie ferroviaire nationale SNCF le jour de la cérémonie d'ouverture des JO de Paris, une enquête dans laquelle aucun suspect n'a été interpellé à ce stade.

Mais, «tous les ingrédients d'un passage à l'acte (avec des cibles humaines) sont réunis» avec des «discours de plus en plus violents de certains politiques» ou «des appels à tuer la police» lors de manifestations, note le magistrat spécialisé.

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