S'aligner sur les USA et l'UE
La Suisse devrait introduire une base de données pour les passagers aériens pour lutter contre le terrorisme

La Suisse envisage de créer une base de données des passagers aériens pour combattre le crime. Le Conseil national a approuvé le projet, malgré les inquiétudes concernant la protection de la vie privée. Cette mesure pourrait affecter les voyageurs dès 2026.
Publié: 17.12.2024 à 13:04 heures
La base de données nationale sur les passagers aériens doit contribuer à lutter contre le terrorisme et la grande criminalité (archives).
Photo: PETRA OROSZ
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ATS Agence télégraphique suisse

La Suisse devrait introduire une base de données nationale sur les passagers aériens. Le National a approuvé mardi, par 166 voix contre 25, un projet du Conseil fédéral en ce sens. Le dossier part au Conseil des Etats. 

La loi permettra de mettre en place le système «Passenger Name Record» (PNR), déjà adopté dans l'UE et aux Etats-Unis notamment. C'est un instrument établi de lutte contre le terrorisme et la grande criminalité, ont avancé plusieurs orateurs de tous bords. L'expérience a montré que le système est efficace, a appuyé le ministre de la Justice Beat Jans.

S'aligner sur d'autres

Si la Suisse ne suit pas, elle pourrait devenir une faille au milieu de l'Europe, a-t-il été répété. Des personnes pourraient contourner le système de l'Union européenne (UE) en prenant un vol vers la Suisse et en poursuivant leur voyage dans l'espace Schengen par voie terrestre.

En outre, de plus en plus d'Etats menacent d'infliger de lourdes amendes aux compagnies aériennes suisses qui ne communiquent pas de données PNR, voire de leur retirer leurs droits d'atterrissage. Andrea Zryd (PS/BE) a craint des répercussions économiques négatives. Sans cette loi, les compagnies helvétiques seraient désavantagées, a ajouté Walter Gartmann (UDC/SG).

L'utilisation du PNR est également l'une des conditions des Etats-Unis en vue du maintien de la Suisse dans le programme d'exemption de visa. Celui-ci permet aux ressortissants suisses de voyager aux Etats-Unis sans visa à des fins professionnelles ou touristiques pendant 90 jours au plus.

Protection des données

Les données concernées sont celles que les passagers fournissent lors de la réservation: prénom, nom, référence de contact, itinéraire, mode de paiements. Les informations concernant des données personnelles sensibles (couleur de peau, appartenance à un syndicat ou préférences alimentaires par exemple) ne seront pas communiquées.

Concernant la durée de conservation des données, celles ne présentant aucun indice d'infraction terroriste ou d'une autre infraction pénale grave ne seront pas enregistrées plus de six mois. Elles seront en outre pseudonymisées, après un mois.

La gauche et le PVL voulaient renforcer la protection des données, avec une pseudonymisation immédiate des données ou un renoncement à la conservation de données. Gerhard Andrey (Vert-e-s/FR) a plaidé pour un équilibre entre la volonté politique de sécurité et la protection des données. Le Conseil fédéral a déjà veillé à cet équilibre, a contré M. Jans. Pour la commission, Thomas Hurter (UDC/SH) a lui rejeté un «swiss finish».

L'alliance souhaitait également que l'examen des profils de risque soit fait par le Tribunal administratif fédéral plutôt que par le Conseil fédéral. Patrick Hässig (PVL/ZH) a mis en avant le respect de la séparation des pouvoirs. Il s'agit de «renforcer la confiance dans l'Etat».

Aviation privée à part

Le projet vise l'aviation commerciale. Le Parti socialiste et les Vert'libéraux ont encore échoué à soumettre aussi l'aviation non commerciale. Les criminels sont au courant de cette différence et peuvent voyager en jet privé, a lancé Hasan Candan (PS/LU). M. Hurter a au contraire estimé que cette extension rendrait la loi plus difficilement applicable dans la pratique.

Une proposition destinée à restreindre le cercle des Etats avec lesquels le Conseil fédéral peut conclure des traités internationaux sur la communication réciproque des données n'a pas passé la rampe non plus. «Il ne faut en aucun cas soutenir des persécutions dans des Etats autoritaires», a fait valoir Marionna Schlatter (Vert-e-s/ZH), en vain.

Nouvelle équipe

Un nouveau service, spécialisé pour traiter les données PNR et rattaché à la police fédérale, sera actif dès 2026. Cette unité d'information passagers (UIP) sera créée en 2025.

La moitié des collaborateurs de l'UIP seront détachés par les cantons, qui supportent les coûts relatifs à cet engagement. L'UIP recevra les données de la part des compagnies une première fois de 24 à 48 heures avant le départ d'un vol à destination ou en provenance de la Suisse, et une deuxième fois juste avant celui-ci.

Le service comparera automatiquement les données avec celles issues des systèmes d'information de police. En cas de concordance (une personne signalée aux fins d'arrestation figurant sur une liste de passagers), le résultat sera vérifié manuellement avant d'être transmis aux autorités fédérales et cantonales.

Infractions précisées

Les catégories d'infractions sont précisées dans la loi: terrorisme, appartenance à une organisation criminelle, traite d'êtres humains, exploitation sexuelle d'enfants ou pédopornographie, trafic d'armes, blanchiment d'argent, cybercriminalité, homicide volontaire, parmi d'autres.

Le National a apporté plusieurs précisions à la version gouvernementale. Par exemple, les entreprises sont obligées de communiquer les données seulement pour les vols qu'elles effectuent elles-mêmes. De plus, les compagnies ne doivent collecter que les données dont elles ont effectivement besoin pour traiter la réservation.

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