La méthode Helène Budliger
Cette Suissesse nous défend (bien) face à Trump et aux Européens

La Secrétaire d'Etat à l'économie Hélène Budliger Artieda est à la manœuvre face au risque de guerre commerciale avec les Etats-Unis, et aux côtés des syndicats face à Bruxelles. Sa méthode? Jouer collectif.
Publié: 21.03.2025 à 17:49 heures
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Dernière mise à jour: 21.03.2025 à 18:58 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Et si la Suisse avait trouvé la bonne réponse face aux accusations médiatiques de Donald Trump et au rouleau compresseur réglementaire de Bruxelles? Il est bien sûr encore trop tôt pour répondre à cette question. Mais un nom fait l’unanimité auprès des diplomates et experts que Blick a consultés sur ces deux dossiers: celui de l’actuelle Secrétaire d’État à l’économie (Seco) Hélène Budliger Artieda.

En visite à Washington cette semaine, elle a été décisive pour faire accoucher la réponse du Conseil fédéral, ce vendredi 21 mars, sur la question de la protection des salaires dans le contexte des futurs accords bilatéraux avec l’Union européenne. Cette diplomate helvétique a, dans les deux cas, illustré le bien-fondé d’une certaine méthode suisse: rester tapi dans l'ombre pour bétonner ses arguments et éviter la confrontation pour conserver, à domicile, une capacité à jouer collectif.

Pratiques commerciales déloyales

Aux Etats-Unis, Hélène Budliger Artieda, a déclaré que le reproche fait à la Suisse de recourir à des «pratiques commerciales déloyales» était infondé selon le Seco. Une première démarche conciliatrice effectuée auprès du représentant de Donald Trump pour le commerce extérieur, Jamieson Greer, moins politique que le Secrétaire au commerce Howard Lutnick.

«Quand on est la Suisse, on évite le choc d’emblée. On préfère les arguments techniques et les rencontres ciblées», juge un ancien diplomate, lui-même familier de plusieurs négociations à hauts risques menées pour le compte de la Confédération. Hélène Budliger Artieda, diplomate de formation, ancienne Ambassadrice en Afrique du Sud puis en Thaïlande, illustre bien cette méthode. Plutôt que de répliquer tout de suite aux informations selon lesquelles Washington aurait déjà placé la Suisse sur une «liste» de pays aux «méthodes commerciales déloyales», la patronne a préféré se rendre sur place pour mieux cerner la nouvelle administration. Et mieux connaître ses interlocuteurs.

Des chiffres, encore des chiffres

Ses arguments vis-à-vis de l’administration Trump: des chiffres, encore des chiffres. Et pas seulement ceux des exportations helvétiques de l’autre côté de l’Atlantique. Certes, la Suisse affiche un excédent commercial record de 38 milliards de francs avec la première puissance mondiale. Mais c’est le nombre d’emplois crées par des firmes suisses aux Etats-Unis, et le volume de leurs investissements qui compte. Selon le SECO, les investissements directs cumulés de la Suisse aux États-Unis s’élèvent à plus 300 milliards de dollars. Les filiales suisses soutiennent directement un demi-million de places d’emploi. Ce qui fait d’elles le 6e ou le 7e employeur étranger dans le pays. De quoi tirer son épingle du jeu lors des négociations…

Autre point remarqué par les connaisseurs de la relation Berne-Washington: la visite d'Hélène Budliger Artieda dans les bureaux de l’Office of Foreign Assets Control, rattaché au Département du Trésor et responsable des sanctions financières internationales. Là aussi, même objectif: le déminage. Eviter les caricatures. Répéter la disponibilité helvétique. «Cette administration nouvelle Trump 2 fonctionne beaucoup sur la base de clichés», poursuit notre interlocuteur. «Il faut les dissiper d’urgence».

Le dossier européen

Dans le dossier des relations bilatérales avec l’Union européenne, la Cheffe du Seco a bétonné sur un autre registre. Elle est celle qui a réussi à dialoguer avec les syndicats, tout en maintenant une ligne pro-Bilatérales bonne pour les intérêts économiques à long terme de la Confédération. Elle a, selon nos informations, demandé par exemple en urgence une note sur l’état de l’industrie suisse de l’armement, qui est concernée par le réveil de la défense européenne encore confirmé lors du sommet des dirigeants des 27 à Bruxelles, jeudi 20 mars.

Là aussi, la ligne est claire: la compétitivité helvétique doit être le produit d’un travail collectif, qui lie entreprises et employés. Bingo. Le résultat obtenu, communiqué ce vendredi par le Conseiller fédéral Guy Parmelin, remplit cette mission et les syndicats l’ont salué. «Les mesures négociées entre les partenaires sociaux renforceront la prévention, dans la mesure où à l’avenir les marchés seront bien plus souvent attribués à des entreprises correctes. Lors de l’attribution des commandes publiques, il faudra d’abord vérifier si les entreprises ont déjà enfreint les conditions de travail suisses» souligne l’Union syndicale suisse.

Une identification précise des interlocuteurs, une solide connaissance des dossiers et, surtout, une discrétion dans la méthode et l’action. Jusque-là, cette méthode Budliger fonctionne. Jusqu’au moment où l’imprévisibilité de Trump l’emportera. Mais c’est une autre histoire…

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