L'initiative «Pas de Suisse à 10 millions» compromet la prospérité, l’économie et la sécurité du pays. Elle «n'est pas dans l'intérêt de la population», a argumenté vendredi le ministre de justice et police Beat Jans.
L'initiative populaire de l'UDC pour la durabilité réclame un contrôle strict de l'immigration. La population résidante permanente de la Suisse ne doit pas dépasser dix millions de personnes d'ici 2050.
Des mesures devraient être prises dès que la population dépasse les 9,5 millions. Et si besoin, les traités internationaux favorisant la croissance démographique, comme l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'UE, devraient être résiliés.
Risques pour la Suisse
«L'initiative isolerait la Suisse au niveau international», a avancé le Bâlois devant la presse. «Elle apporte une grande insécurité et aurait des conséquences négatives sur notre prospérité et notre sécurité. C'est une hypothèque sur notre futur.» Et vu la situation géopolitique, «nous ne devons pas mettre en péril les relations avec notre partenaire le plus important».
Or l'initiative mettrait en danger la voie bilatérale avec l'UE, qui a fait ses preuves, a souligné le ministre. Et de rappeler que la clause guillotine entraînerait automatiquement l'extinction de tous les accords bilatéraux I. Ceux-ci assurent à la Suisse un accès sur mesure au marché européen, a rappelé Beat Jans. «Le pays a besoin de l'immigration, parce qu'elle a besoin de la main-d'oeuvre et la stopper poserait problème. Sans le personnel allemand et français, le système de santé suisse s'effondrerait.»
L'exemple du Brexit
Les conséquences économiques seraient considérables. «Les Britaniques ont expérimenté ce que cela signifie de quitter l'accès au marché intérieur et la libre circulation. La promesse de limitation de l'immigration n'a pas été tenue. Et la majorité du pays regrette aujourd'hui le Brexit. Nous devons apprendre de cette leçon», a poursuivi le ministre.
Les accords d'association à Schengen/Dublin risqueraient eux aussi de prendre fin, ce qui pourrait provoquer une hausse de la migration irrégulière en Suisse et une augmentation des demandes d'asile. Sans Schengen et Dublin, la lutte contre la criminalité serait aussi nettement plus compliquée et la sécurité de la Suisse, affaiblie.
Mesures d'accompagnement
Le Conseil fédéral ne propose pas de contre-projet à l'initiative. Ces dernières années, les Suisses ont déjà rejeté les initiatives Ecopop et de correction voulant aussi la fin des bilatérales. «Le peuple soutient la voie bilatérale et nous lui faisons confiance», a lâché M. Jans. Par ailleurs, différentes stratégies et mesures existent déjà pour gérer l'immigration en Suisse et faire face aux défis qui l'accompagnent.
Le gouvernement reconnaît toutefois que l’immigration et la croissance démographique posent des défis. Il propose de mettre en place des mesures d’accompagnement pour maintenir la main-d'oeuvre en Suisse. Le Conseil fédéral mise sur les femmes arrivées en Suisse à la faveur du regroupement familial et les personnes âgées.
Les entreprises suisses continueront d’avoir besoin de travailleurs étrangers pour maintenir leur compétitivité et leur capacité d’innovation. Des secteurs comme ceux de la santé, de l’agriculture, du tourisme et de l’hôtellerie-restauration sont tributaires de la main-d’oeuvre qualifiée étrangère.
Limiter l'immigration
Le gouvernement a aussi pu négocier avec l’UE un dispositif de protection efficace et une clause de sauvegarde permettant à la Suisse de prendre des mesures de protection temporaires ou, dans des cas dûment motivés, de limiter l’immigration en provenance de l’UE sans pour autant remettre en question la libre circulation et la voie bilatérale. Cette clause est plus ciblée que l'initiative de l'UDC, a argué M. Jans.
Des mesures supplémentaires seront élaborées pour réduire le nombre de demandes d'asile et accélérer les procédures. Il est également prévu de vérifier plus régulièrement si des admissions provisoires peuvent être levées.
Le Secrétariat d'État aux migrations est déjà en train de préparer et de mettre en œuvre de nouvelles mesures pour que les personnes qui ont commis des infractions en Suisse ne puissent pas profiter indûment du droit en matière d'asile ou du droit des étrangers.
Toutes les mesures envisagées sont conformes aux engagements internationaux de la Suisse, en particulier à l'accord sur la libre circulation des personnes avec l'UE et ses États membres. La campagne sur l'initiative risque d'être ardue, le PLR s'est déjà lancé contre le projet. La gauche et le Centre y sont aussi opposés.