Vladimir Poutine est le spectre qui hante les James Bond du G7. Une sorte de mal absolu contre lequel les dirigeants des pays les plus industrialisés entendent bien redoubler d’efforts, comme ils devraient le confirmer ce vendredi 19 mai au président ukrainien, hôte ce samedi de leur sommet annuel à Hiroshima (Japon).
Il faut pourtant se souvenir qu’il y a moins de dix ans, en 2013, le président de la Russie siégeait aux côtés de ce club composé des États-Unis, du Canada, de la France, de l’Italie, de l’Allemagne, du Japon et du Royaume-Uni, avec en plus l’Union européenne. Le sommet du G8 de 2014 aurait même dû se tenir à Saint-Pétersbourg, la ville d’origine du tsar du Kremlin! Mais la décision de ce dernier d’annexer la Crimée en février et mars 2014 a tout fait basculer. Vladimir Poutine est devenu le paria du G7. Il est même aujourd’hui l’ennemi numéro 1.
Les dirigeants des pays du G7 ont d'ores et déjà décidé vendredi matin de nouvelles sanctions visant à «priver la Russie des technologies, des équipements industriels et des services du G7 qui soutiennent son entreprise guerrière». Aujourd'hui, «nous avons réaffirmé notre engagement à faire front commun contre la guerre d'agression illégale, injustifiable et non provoquée de la Russie contre l'Ukraine», ont déclaré les chefs d'État et de gouvernement du groupe des principales démocraties industrialisées du monde, auquel l'UE est associée. Le G7 ne peut néanmoins que formuler des recommandations. Il n'a pas de pouvoir exécutif.
Éviter l'escalade nucléaire
Pourquoi cette mobilisation maximale anti-Poutine? Parce que les pays du G7 croient fermement qu’ils peuvent faire vaciller l’homme fort de Moscou. Ils savent, bien sûr, que toute une partie du monde refuse de se faire enfermer dans cette logique de guerre mondiale, qui plane au-dessus de la planète depuis l’invasion russe de l’Ukraine le 24 février 2022. A Hiroshima, le sommet accueillera d’ailleurs l’Inde, la Corée du Sud, le Brésil et l’Indonésie. Point notable toutefois: l’Afrique du sud, récemment accusée par les Etats-Unis d’avoir livré des armes à la Russie (leur ambassadeur à Pretoria a ensuite rétropédalé) ne sera pas présente. C’est le président des Comores qui représentera l’Afrique. Le terme «Global South» (Sud global) utilisé pour désigner les pays émergents qui ne veulent pas être pris en otage par la guerre en Ukraine ne figurera pas non plus dans le communiqué final.
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Hiroshima, sommet anti-Poutine? Oui pour deux raisons: le fantôme de l’arme nucléaire qui vitrifia la ville le 6 août 1945, et le besoin de renforcer les sanctions économiques contre la Russie qui les contourne. C’est avec le souvenir de la bombe A lancée le 6 août 1945 par le bombardier américain Enola Gay (avant que Nagasaki ne soit détruite à son tour le 9 août) que les dirigeants du G7 ont fait connaissance dès leur arrivée au Japon. Les derniers survivants, les «Ibakusha», ont été conviés à rencontrer les leaders. Les sirènes d’alerte qui résonnèrent le 6 août 1945 dans la ville ont été reproduites à l’identique et diffusées sur haut-parleurs.
Les chefs d’État ou de gouvernement ont tous défilé au Hiroshima Peace Memorial Museum, et ils sont venus se recueillir devant le dôme de Genbaku – ou dôme de la bombe atomique – l’un des rares bâtiments à ne pas s’être effondrés le jour de la tragédie. Le message à Poutine? N’utilisez jamais cette arme déployée par les États-Unis pour venir à bout du Japon impérial qui leur avait déclaré la guerre avec l’attaque de Pearl Harbour, le 7 décembre 1941. Le G7 compte aussi pour cela sur la détermination de la Chine qui s’est clairement prononcée contre une possible escalade atomique. Alors que Vladimir Poutine, lui, a plusieurs fois évoqué cette possibilité.
Le front des diamants
Hiroshima doit aussi être le sommet de «l’étranglement». La formule fait mal, mais elle a été utilisée par plusieurs délégations lors des briefings organisés avant la réunion du G7. Et pour étrangler la Russie, un nouveau front s’ouvre: celui du commerce des diamants. La Russie est le premier producteur mondial de ces pierres précieuses. Elle en a exporté, en 2021, pour une valeur de cinq milliards de dollars. L’entreprise russe Alrosa, contrôlée par l’État russe, détient à elle seule un quart du marché mondial. C’est en Yakoutie, en Sibérie, dans la partie asiatique du pays, qu'est extraite la quasi-totalité des diamants de la firme.
Mais qui dit diamants dit aussi Wagner, la milice qui opère en Afrique pour le compte de Moscou, et qui déploie des milliers de soldats en Ukraine. En République centrafricaine, Wagner a mis la main sur des mines diamantifères. Où passent les pierres? Où va cet argent? «Les diamants russes ne sont pas éternels», a ironisé le président du Conseil européen Charles Michel au Japon, en parodiant le titre d’un film de «James Bond», sorti en 1971.
La stratégie de «l’étranglement»
Pour le reste de «l’étranglement», le G7 a encore 24 heures de sommet pour parvenir à des décisions «massives». Pas simple, car du côté de l’Union européenne (UE), ça bloque. Il n’y a toujours pas d’accord entre les 27 pays membres de l’UE, à Bruxelles sur le onzième paquet de sanctions antirusses. La proposition de la Commission européenne de frapper les pays tiers de sanctions économiques s’ils contournent les sanctions a été nuancée, évoquant plutôt «des mesures alternatives contre des entreprises ou des entités individuelles. À Hiroshima, la question de la fermeture permanente des pipelines de gaz naturel que le Kremlin a mis hors service après son invasion de l’Ukraine doit être discutée. Or cela empêcherait des pays comme l’Allemagne et la Pologne de reprendre leurs importations de gaz naturel en provenance de Russie, même si le Kremlin décide un jour de rouvrir les robinets.
La Grèce, Malte et Chypre – pays d’armateurs – restent aussi opposés à des mesures contraignantes contre la «flotte fantôme» de navires transportant du pétrole brut russe dans le monde entier. Pour l’heure, les diamants russes ne sont pas visés par ce nouveau train de sanctions qui liste 526 sociétés russes et huit chinoises. Une nouvelle réunion est prévue à Bruxelles le 25 mai.