Parmi les centaines de corps retrouvés à Boutcha, au nord-ouest de Kiev, neuf gisaient au bord d’un chantier qui avait été utilisé comme base par l’armée russe. «The Economist» s’est entretenu avec un homme qui a eu beaucoup de chance. Il a failli devenir la dixième victime sur ce site.
Vanya Skyba raconte au journal britannique ce qui s’est passé. Une histoire comme il s’en est produit beaucoup trop dans cette commune ukrainienne, et peut-être aussi dans d’autres localités au cours des dernières semaines.
Les Russes les retrouvent dans une cave
Le 5 mars, lui et d’autres hommes étaient actifs comme soldats de l’armée ukrainienne et gardaient ensemble un poste de contrôle quand ils ont été pris sous le feu de l’artillerie russe. Encerclés par les soldats de Vladimir Poutine, ils ont cherché refuge dans la cave d’une maison. Le soir, cependant, les Russes les ont retrouvés.
Ils leur ont demandé s’ils avaient combattu ou servi comme soldats dans le Donbass. Les hommes auraient répondu par la négative et qu’ils étaient des ouvriers du bâtiment. Ils ont alors été emmenés dans une base russe toute proche. Là, ils auraient été contraints de se déshabiller et de s’allonger face contre terre. Ils ont ensuite été fouillés, à la recherche de téléphones et de symboles ou de tatouages sur leur corps.
Un homme tué, puis les autres ont parlé
Pour faire parler le groupe, les Russes ont exécuté l’un des hommes. «C’était un petit gars à lunettes d’Ivano-Frankivsk», raconte Vanya. Cela aurait fonctionné. Un des hommes a alors avoué être membre des forces de défense territoriale ukrainiennes. Après cet aveu, les soldats russes l'ont battu et torturé, lui ainsi que d’autres Ukrainiens. Cela a duré plusieurs heures. Puis les Russes ont reçu l’ordre de tuer.
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Selon Vanya, certains des soldats avaient les yeux bridés et un fort accent. Il suppose qu’ils étaient originaires de Bouriatie, une région de Sibérie orientale proche de la Mongolie. L’ordre d’exécution lui-même aurait été donné par un homme qui parlait avec un accent russe normal. «Les Bouriates ont demandé ce qu’ils devaient faire de nous. L’autre Russe a répondu qu’ils devaient nous tuer, mais loin de la base.»
Vanya a survécu par miracle
Les prisonniers ont été conduits sur le côté du bâtiment. Les soldats russes ont levé leurs armes et fait feu. Mais le destin ne traite pas tous les hommes de pareille manière. Vanya a reçu une balle dans le flanc qui l'a traversé, mais ne l'a pas tué.
Il est tombé au sol. «J’ai survécu en faisant le mort, allongé sur le sol en béton. Dès que j’ai entendu qu’ils étaient partis, j’ai franchi la clôture et je me suis réfugié dans une maison voisine», raconte-t-il à «The Economist», qui s’est entretenu avec lui le 4 avril.
Conduit dans le même bunker
Mais l’histoire ne s’arrête pas ici pour Vanya. Des soldats russes d’une autre unité l'ont retrouvé. Il leur a raconté qu’il était le propriétaire de la maison, et les militaires l'ont cru.
Les Russes l'ont alors conduit… dans un bunker situé dans le sous-sol de la même base où il venait d’échapper à la mort. Il y serait resté quelques jours avec une douzaine de femmes et d’enfants, avant que les soldats ne les libèrent. Le 9 ou le 10 mars, lorsque les couloirs humanitaires ont été ouverts, il est retourné à Kiev.
(Adaptation par Alexandre Cudré)