«Mon père de 91 ans ne se voyait pas faire la queue pendant une heure», dit Virginie à l'AFP dans une station-essence du quartier de Fives à Lille, faisant le plein de gazole pour ses parents. Alors qu'une file de voitures débordait sur la rue ces derniers jours, «là ça a l’air de se calmer», ajoute-t-elle.
A Lyon, Serge Almodovar, 56 ans, est déçu: la station qui était indiquée comme «ouverte» sur un site est fermée: «C'est un peu gênant d'autant qu'il me reste très peu d'essence dans mon réservoir. Je prends ça avec philosophie. Heureusement qu'on ne travaille pas aujourd'hui. J'habite à Lyon et je travaille sur Valence en partie, toute la semaine j'ai pris le train. J'espère vraiment qu'il n'y aura pas de grève qui se généralisera également sur les trains», souligne-t-il.
Gabriel Attal, ministre des Comptes publics, a jugé dimanche matin «inacceptable qu'il y ait la poursuite de blocages alors même que des accords majoritaires ont été trouvés pour revaloriser les salaires», estimant également qu'il faudrait «plusieurs jours avant que la situation s'améliore suffisamment pour que les Français le ressentent dans leur vie quotidienne» à la suite des réquisitions de personnels grévistes.
«Le droit de grève a des limites»
Actuellement, les grèves concernent trois raffineries (sur sept) et cinq gros dépôts (sur environ 200) et sont plus ou moins suivies selon les sites, indique le gouvernement. Il s'agit des sites TotalEnergies de Normandie (raffinerie et dépôt), Donges (raffinerie et dépôt), La Mède (bioraffinerie et dépôt), Flandres (dépôt) et Feyzin (dépô, la raffinerie étant à l’arrêt pour raison technique).
Seul un dépôt de TotalEnergies, celui de Flandres près de Dunkerque, a fait l'objet d'une réquisition lancée jeudi par le gouvernement.
«Il faut passer aux réquisitions», a jugé le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, sur Radio J, estimant que «les 150 personnes des raffineries prennent les Français en otage».
Selon le patron des patrons, «si on fait encore une semaine comme cela, avec ce type de pénurie d'essence, ça risque vraiment d'avoir un impact sur l'économie. Ce n'est pas une grève normale, le droit de grève a des limites».
Un accord sur des augmentations salariales a été conclu dans la nuit de jeudi à vendredi avec deux syndicats majoritaires, la CFDT et la CFE-CGC.
L'accord prévoit une «enveloppe» globale de hausse des salaires de 7%, dont 5% d'augmentation générale plus une part individuelle qui pourra différer selon les personnes. Il prévoit, en outre, une prime d'un mois de salaire, avec un plancher de 3.000 euros et un plafond de 6.000 euros.
«Situation exceptionnelle»
La CGT continue elle à réclamer 10% correspondant à «l'inflation plus le partage» des bénéfices engrangés par l'entreprise pétrolière, à savoir 5,7 milliards de dollars pour le seul deuxième trimestre (5,8 milliards d'euros). Le syndicat compte poursuivre le mouvement jusqu'à mardi, journée de «mobilisation et de grève» interprofessionnelle à laquelle ont aussi appelé FO, Solidaires et la FSU.
Au total, 27,3% des stations-service du pays étaient considérées samedi comme étant «en difficulté», c'est-à-dire affectées par la rupture d'au moins un de leurs produits, selon le gouvernement, soit une légère amélioration par rapport à la veille (28,5%).
En Seine-et-Marne, la préfecture fait état d'une «tendance à l’amélioration par rapport au début de semaine» et a pris des «dispositions particulières d'approvisionnement pour les agriculteurs qui sont en période de récolte notamment de la betterave mais aussi (pour) permettre de semer l’orge».
Face à cette «situation exceptionnelle», le gouvernement a pris deux arrêtés prolongeant jusqu’au 15 novembre l’utilisation du gazole et du supercarburant SP95-E10 de «qualité été», au lieu de la «qualité hiver» qui est généralement applicable à partir du 1er novembre dans les stations-service. Objectif: «Pouvoir plus facilement utiliser les stocks de carburant, qui auraient été invendus du fait des grèves», a indiqué à l’AFP le ministère de la Transition énergétique.
Parallèlement, dimanche une marche contre «la vie chère et l'inaction climatique» a débuté dimanche en début d'après-midi à l'appel de la Nupes. Quelque 30.000 manifestants étaient attendus.
(AFP)