Pavel Filatiev fait sensation avec son journal intime. Ce soldat d’élite russe a combattu en Ukraine avant de déserter le front. Dans ses notes prises au combat, il décrit avec précision ce qu’il a vécu dans l’armée de Vladimir Poutine.
D’après ses témoignages l’équipement de l’armée russe est obsolète, les véhicules en mauvais état et le moral des soldats au plus bas. «La plupart des soldats sont mécontents de ce qui se passe. Ils sont mécontents du gouvernement et de leurs commandants. Ils sont mécontents de Poutine et de sa politique. Ils sont mécontents du ministre de la Défense qui n’a jamais servi dans l’armée», rapporte-t-il.
Il explique également que son propre fusil était rouillé. Dans une interview accordée à «Welt», le soldat d’élite donne un autre aperçu de la gravité de la situation. Au début, la résistance de l’Ukraine était très faible, selon lui. Mais les Russes n’ont pas pu en profiter. L’offensive n’aurait été qu’une pure négligence. «De nombreux camarades manquaient de munitions, de gilets pare-balles, de casques et de sacs de couchage. Nos véhicules spéciaux dataient de plusieurs dizaines d’années», explique le déserteur dans son entretien. Pour lui, c’est le résultat d’années de corruption et de vol au sein de l’armée russe.
«Nous n’avions pas le droit de nous dégonfler»
L’homme raconte le moment où son unité était bloquée dans la ville de Kherson. «Nous étions comme sur un stand de tir dans un champ immense. Et il était clair que l’ennemi allait savoir à tout moment que nous étions là. Aucun commandant n’avait la capacité de distribuer de l’équipement ou de monter la garde.» Pendant cinq ou six heures, les soldats resteront donc à découvert sur le terrain, à la merci de toute intervention de l’ennemi.
Au cours des premières semaines de la guerre, le soldat n’envisage pas encore de quitter le combat. «Pour moi comme pour de nombreux camarades, il est apparu très tôt que nous n’aimions pas du tout cette guerre. Nous n’avions pas peur. Mais nous ne comprenions pas ses objectifs.» Selon ses propres termes, aucun soldat ne comprenait vraiment qui devait être libéré sur place. «Malgré tout, cela aurait été une honte de s’enfuir d’un champ de bataille. Nous n’avions pas le droit de nous dégonfler en temps de guerre.»
Mais un jour, Pavel Filatiev a été blessé à l’œil et a vu sa chance de quitter l’armée arriver. Mais il ne pouvait pas tourner le dos au front aussi facilement. «Pour des raisons de santé, j’avais le droit, selon la loi, de quitter mon poste. Mais la procédure a été très longue et pénible, cela a duré des mois», se souvient le soldat. Finalement, il est tout simplement parti.
Pas assez d’armes pour tout le monde
Le Russe estime très improbable que Vladimir Poutine annonce une grande mobilisation nationale. «Notre gouvernement n’a pas réussi à organiser une armée de manière suffisamment professionnelle pour qu’elle soit approvisionnée en logistique, en munitions et en nourriture. Une mobilisation générale est peu probable parce que le gouvernement n’est pas en mesure de distribuer des armes à la population. Cela m’étonnerait qu’il y en ait assez pour tout le monde.»
À cela s’ajoute le fait que de nombreux Russes seraient mécontents du gouvernement. Dans une situation aussi tendue, Vladimir Poutine ne prendrait sûrement pas le risque de distribuer autant d’armes à la population, estime le soldat d’élite. Le ministère britannique de la Défense est également convaincu que la guerre a clairement porté préjudice au chef du Kremlin et à son gouvernement. Le pouvoir diplomatique de la Russie aurait diminué et les perspectives économiques ne seraient pas prometteuses au long terme.
«L’offensive dans le Donbass s’enlise et la Russie s’attend à une contre-attaque ukrainienne d’envergure», ajoute le ministère. La conclusion britannique: «Après six mois de conflit, la stratégie de la Russie s’est révélée coûteuse et nuisible.»
La Russie évoque une désinformation ciblée
Le ministère de la Défense britannique a aussi souligné que les dirigeants russes étaient conscients depuis avril que leurs objectifs de renverser le gouvernement ukrainien et d’occuper une partie du pays ne seraient pas atteints. Moscou poursuivrait désormais des buts plus modestes dans l’est et le sud de l’Ukraine.
Depuis le début de la guerre fin février, le ministère britannique publie quotidiennement des informations fracassantes sur le déroulement de la guerre en se basant sur des informations des services secrets. Le gouvernement britannique souhaite ainsi contrer la propagande russe. Moscou accuse Londres de mener une campagne de désinformation ciblée.
(Adaptation par Thibault Gilgen)