Gates, Bezos et métaux rares
Des milliardaires profitent de la fonte des glaces pour piller le Groenland

Le réchauffement climatique fait fondre le Groenland. Loin de s'en désoler, des milliardaires y voient une opportunité: la fonte des glaces facilite la recherche et l'extraction de métaux rares. Ces derniers servent notamment à construire des véhicules électriques.
Publié: 09.08.2022 à 20:56 heures
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Au Groenland, une équipe de 30 géologues, géophysiciens, cuisiniers, pilotes et mécaniciens cherchent des métaux rares.
Photo: Eric Sondergaard/Bluejay Mining Plc
Nicola Imfeld, Louise Maksimovic

La gigantesque calotte glacière du Groenland fond. La faute, sans surprise, au réchauffement climatique. Rien qu'en 2019, le niveau de la mer a augmenté de 1,5 millimètre à cause de la fonte de 532 milliards de tonnes de glace. Un triste record. D'après les scientifiques, cette catastrophe naturelle a des répercussions sur notre quotidien: les phénomènes météorologiques violents deviennent plus fréquents.

Si beaucoup se désolent de cette fonte galopante, d'autres y voient une opportunité économique et industrielle. En première ligne des heureux: les investisseurs et les entreprises minières.

Un eldorado industriel

Ironie du sort, la fonte des glaces du Groenland facilite la recherche et l'extraction de métaux cruciaux pour fabriquer des véhicules électriques... considérés comme beaucoup comme une solution au réchauffement climatique. Nickel, cuivre, cobalt, platine... Ces métaux plus ou moins rares seraient désormais plus facilement accessibles.

Les milliardaires et entrepreneurs comme le fondateur de Microsoft Bill Gates, le patron d'Amazon Jeff Bezos, ou encore le magnat des médias Michael Bloomberg s'en frottent les mains: ils veulent tirer profit de ce phénomène.

Des centaines de millions de véhicules électriques

Les super-riches américains parient sur le fait que les collines et les vallées de l'île de Disko au Groenland et de la péninsule de Nuussuaq regorgent de suffisamment de minerais importants pour alimenter à l'avenir des centaines de millions de véhicules électriques. «Nous sommes à la recherche d'un gisement qui sera le deuxième plus grand gisement de nickel et de cobalt au monde», claironne Kurt House, CEO de Kobold Metals, dans une interview accordée à CNN.

Bill Gates, Jeff Bezos et Michael Bloomberg soutiennent financièrement cette même Kobold Metals, une start-up basée en Californie. Les milliardaires n'ont toutefois pas souhaité répondre aux sollicitations de la chaîne américaine à ce sujet. Kobold, de son côté, travaille également avec Bluejay Mining pour trouver au Groenland des métaux rares et précieux, nécessaires à la construction de véhicules électriques et de grosses batteries pour le stockage des énergies renouvelables.

Forages à l'été 2023

Une équipe de 30 géologues, géophysiciens, cuisiniers, pilotes et mécaniciens campe à l'endroit où les entreprises cherchent les matières premières pour le compte des milliardaires. CNN a consacré cette semaine un reportage détaillé à ce que la chaîne qualifie de «plus grande chasse au trésor» de notre époque, vidéos à l'appui.

En plus des hélicoptères, des drones sont également utilisés. Ils mesurent le champ électromagnétique du sous-sol afin d'obtenir des informations sur les couches de roches sous-jacentes. Les données sont analysées à l'aide de l'intelligence artificielle. Dès l'été prochain, on devrait ainsi pouvoir déterminer avec précision où il est possible de forer.

Un désastre écologique en perspective?

Il est certes préoccupant d'observer les conséquences et les effets du changement climatique au Groenland, déclare Bo Møller Stensgaard, CEO de Bluejay Mining, à CNN. «Mais dans l'ensemble, les changements climatiques ont rendu l'exploration et l'exploitation minière plus faciles et plus accessibles au Groenland», poursuit-il.

Les ambitions des milliardaires américains au Groenland ne sont pas vues d'un bon œil par tous. Les chercheurs craignent même un désastre écologique. «Ils se trouvent directement sur l'océan, estimait l'année dernière Jeffrey Welker, un professeur de l'université d'Alaska qui étudie l'écosystème arctique depuis des décennies. Cela crée potentiellement des situations écologiquement dangereuses en cas de contamination de ce fjord. Toute dégradation du système marin par une activité quelconque pourrait être catastrophique pour la population.» Ses propos avaient été recueillis par le média en ligne Daily Beast.

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Si vous avez vu le film «Don't look up», cette nouvelle vous semblera amèrement familière. Pour celles et ceux qui ne l'ont pas vu, petit résumé de circonstances.

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Dans ce mockumentaire, des astrophysiciens repèrent une comète dirigée droit sur la Terre. Temps estimé avant impact: six mois. Réussissant à convaincre le gouvernement de lancer suffisamment de fusées sur la comète pour dévier sa trajectoire et sauver la planète d'une destruction certaine, les protagonistes assistent au lancement, soulagés.

Alors que le lancement a démarré, les fusées sont tout d'un coup déviées, dans l'incompréhension générale. À l'origine de ce détournement: le milliardaire Peter Isherwell. Ayant repéré des matériaux rares à la surface de la comète, l'homme d'affaire souhaite tirer profit de cette «opportunité» pour l'humanité. Son plan: lancer de petits robots spatiaux fabriqués par les soins de son entreprise, BASH, (qui n'est pas sans rappeler Blue Origin ou SpaceX) pour pouvoir extraire ces fameux matériaux rares, censés pouvoir être utilisés pour créer de nouvelles technologies révolutionnaires.

Sans vous divulgâcher la fin du film, la morale du long-métrage est assez claire: tirer profit d'une «opportunité» potentiellement mortelle pour l'humanité est rarement une bonne idée.

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