Premier ministre à 34 ans
Gabriel Attal a une seule option: faire oublier Macron

Le nouveau premier ministre français est récompensé pour sa popularité et sa capacité à exister à la tête de l'Éducation nationale. Mais pourra-t-il exister face à Emmanuel Macron? Notre journaliste Richard Werly se pose la question.
Publié: 09.01.2024 à 13:47 heures
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Dernière mise à jour: 09.01.2024 à 21:07 heures
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A 34 ans, Gabriel Attal succède à Elisabeth borne, seconde femme à avoir exercé la fonction de premier ministre en France.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Premier ministre à 34 ans: Gabriel Attal vient ce mardi 9 janvier d’entrer dans l’histoire politique française par la grande porte. D’où l’obsession qui va le saisir à partir de son entrée en fonction: ne pas sortir ensuite par l’autre porte, la petite et la moins glorieuse, celle d’une défaite et d’une fin de mandat chaotique pour Emmanuel Macron, jusqu’à la présidentielle de mai 2027.

Le jeune ministre de l’Éducation nationale n’a pour cela qu’une option: restaurer ce qui a manqué tout au long des deux premières années du second mandat du locataire de l’Élysée, à savoir le dialogue, le compromis, l’empathie. Avec, comme recette, la seule disponible aux côtés d’un Emmanuel Macron toujours très désireux de ne laisser personne d’autre que lui prendre la lumière: revenir à l’élan macroniste originel, celui de 2017, celui d’un courant social-libéral centriste moderne, résolument pro européen et synonyme d’avenir plutôt que de rétrécissement pour la France.

Rassembler le pays

Cet élan, Emmanuel Macron ne l’a plus. A 46 ans (depuis le 21 décembre), le président français a perdu sa capacité à rassembler le pays – ou, du moins, une majorité de l’électorat – en raison de la méthode employée pour le réformer. Les 23 recours à l’article 49.3 d’Elisabeth Borne, destinés à faire adopter sans vote le budget et des lois controversées comme la réforme des retraites, ont creusé les tranchées à l’Assemblée nationale et dans la société. Plus que jamais, à la veille de son déplacement au Forum de Davos le 17 janvier, Macron est perçu par beaucoup comme le «président des riches». L’attractivité économique retrouvée de la France, et la baisse du chômage, qu’il considère comme son principal bilan, ne pèsent guère face aux confrontations permanentes que ses sept ans de pouvoir ont semé.

Feuille de route

Gabriel Attal a donc sa feuille de route: panser les plaies du macronisme sans en abandonner le chemin. Et, surtout, refaire entendre une voix audible sur les questions de société, et sur l’Europe, pour faire barrage à l’inéluctable progression de l’extrême droite dans les esprits. Or pour cela, cet ex-jeune membre du parti socialiste, parisien jusqu’au bout des ongles, homosexuel déclaré, n’a qu’une seule option: faire oublier Macron.

C’est le paradoxe de cette nomination: le président français va devoir se résoudre, s’il veut que l’équation Attal fonctionne, à devenir un arbitre plus qu’un acteur. Avec pour champ d’action prioritaire l’international, la défense et les crises mondiales où la voix de la France est aujourd’hui trop contradictoire pour être entendue.

Oublier Macron

Oublier Emmanuel Macron. Incarner une autorité différente de l’autoritarisme du Rassemblement national. Incarner la modernité tout en se montrant ferme sur les principes, comme ce fut le cas à l’Éducation nationale (portefeuille qu’il pourrait conserver) en interdisant le port de l’Abaya, en sanctionnant les élèves qui mettent en cause la laïcité et en autorisant des expériences de retour à l’uniforme scolaire.

Problème: Gabriel Attal ne peut compter, pour cette mission, que sur lui-même ou presque. Les ministres les plus endurcis, dont certains comme Bruno Le Maire ou Gérald Darmanin lorgnent ouvertement sur la présidentielle, ne lui feront pas de cadeaux. Le nouveau chef du gouvernement français va dès lors devoir convaincre et rassurer, ce qui n’est jamais facile lorsque votre étoile brille trop. Il deviendra, sinon, ce qu’un premier ministre peut redouter de pire dans une France centralisée, présidentielle et toujours travaillée par le mirage du dirigeant providentiel: être un homme seul au service d’un président seul.

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